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Asie 2006

Asie 2006
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1 avril 2007

Le Japon au temps des sakura

Hiroshima

hiroshima Quand on arrive à Hiroshima et qu'on découvre cette ville moderne (ici vue de notre chambre) à l'intense activité économique et industrielle, on ne croirait pas qu'il y a 62 ans, elle subissait le premier bombardement atomique de l'histoire de l'humanité (et le seul avec Nagasaki). Pourtant, une visite à l'incontournable et très intéressant musée de la bombe nous fait découvrir l'horreur du 6 août 1945 où, à 8:15 le bombardier Enola Gay largua Little Boy, une bombe atomique à l'uranium et dont la puissance correspondait à 13 kilotonnes de TNT. L'engin était l'aboutissement du projet Manhattan, mis en branle à la suite d'une lettre au président américain et signée par de nombreux scientifiques de renom, dont Einstein, qui avaient fui l'Allemagne nazie et qui craignaient qu'on y développe cette arme ultime. En effet, le principe de la fission nucléaire avait été expliqué en Allemagne en 1938, et depuis lors, on savait qu'une bombe tirant profit de cette formidable source d'énergie était théoriquement possible. Le projet américain consistait initialement à réaliser puis larguer cette bombe sur l'Allemagne. Mais en raison de la déroute allemande, il fut plutôt décidé ultérieurement de bombarder le Japon. À ce chapitre, le musée présente une grande quantité de correspondances de l'état-major américain. Les essais concluants n'eurent lieu qu'en juillet 1945 dans un désert du Nouveau-Mexique. Mais quelques mois plus tôt, on avait déjà identifié les villes cibles, qu'on avait alors soustraites des bombardements classiques de façon à les préserver et ainsi pouvoir y mesurer l'effet dévastateur de la bombe atomique le temps venu. En août 1945, le Japon était au bord de la capitulation, discutant des modalités de sa reddition suite à la Conférence de Potsdam, et les scientifiques, dont Einstein encore, jugeaient alors immoral de bombarder le Japon sans l'en menacer d'abord. Leur appel au président Roosevelt n'obtint cependant pas de résultat, les militaires souhaitant ardemment utiliser la bombe pour marquer l'avance américaine sur l'Union soviétique dans la course aux armements qui s'amorçait. En outre, le projet Manhattan avait coûté 2 milliards de dollars, qu'il fallait bien justifier auprès des contribuables. Disant vouloir venger l'attaque-surprise de la base navale de Pearl Harbor (Hawaï), la bombe fut larguée. Elle explosa à 580 m d'altitude, de façon à maximiser l'effet du souffle destructeur. La température à l'hypocentre (i.e. le lieu au sol situé sous le point d'explosion) atteignit 4000°C, provoquant un vent de 1500 km/h (mille cinq cent). En trois secondes, 7 km2 de la ville furent rasés ou s'embrasèrent sous la vague de chaleur. Dans un rayon d'un kilomètre, le taux de mortalité atteignait 100%; au-delà, on vivait la mort plus ou moins lente due aux brûlures et radiations. Un médecin avait d'ailleurs noté la progression du rayon de la zone mortelle au fil des jours suivants. À la fin de 1945, cette seule bombe avait fait 140 000 victimes, principalement civiles, un bilan auprès duquel celui du World Trade Center fait pâle figure. Mais à quoi d'autre peut-on s'attendre d'une bombe qui détruit tout dans un rayon de 3 km et fait des dommages jusqu'à 15 km? Même larguée sur un objectif militaire, elle tuera inévitablement de nombreux civils, surtout si ledit objectif se situe en zone urbaine comme c'était le cas à Hiroshima. Le musée nous fait découvrir l'état de désarroi des gens qui ne savaient plus où aller, tant tout était subitement détruit sur une si grande étendue. Des maquettes et des photos nous font voir ce secteur de la ville, avant le bombardement et quelques jours plus tard. dome2 On découvre des tuiles de toit fondues sous la chaleur de l'explosion, des bouteilles de verres fusionnées ensemble, et même l'escalier en pierre d'une banque, blanchi sous l'intensité du flash de lumière, mais qui a conservé l'ombre d'un homme qui y était assis. dome Situé presque à l'hypocentre, l'édifice d'une agence de promotion économique à partiellement résisté, justement en raison de la verticalité de ses murs avec le souffle de l'explosion. Les restes de la structure métallique de son dôme demeurent le symbole de ce triste jour. Mais trois jours plus tard, le 9 août à 11:02, la bombe Fat Man de 21 kilotonnes, au plutonium cette fois, répétait l'hécatombe à Nagasaki, tuant 75 000 personnes des 240 000 habitants et détruisant le tiers de la ville. Le Japon se rendait inconditionnellement 6 jours plus tard. Ces événements marquèrent le début de la course à l'arme nucléaire. Aujourd'hui, la Russie, la Chine, l'Angleterre et la France constituent le sinistre "club nucléaire" qui tente d'en limiter l'accès des autres nations, mais on sait que l'Inde, le Pakistan, et sans doute la Corée du Nord et Israël possèdent leur(s) bombe(s). La plus grosse bombe testée le fut en 1961 par l'ancienne Union soviétique; avec ses 50 mégatonnes, elle etait 3100 fois plus puissante que celle d'Hiroshima, et correspondait à 17 fois la puissance destructrice de toutes les bombes et munitions utilisées durant la Seconde guerre mondiale! La ville d'Hiroshima s'est faite la championne du désarmement nucléaire total, et à côté du musée brûle une flamme qu'on dit ne vouloir éteindre que lorsque la dernière arme atomique aura été éliminée de la planète. Mais comme les hommes ont la mémoire courte, le nouveau et très nationaliste premier ministre japonais songe maintenant à en doter son pays...

À Kyoto, notre amie Eriko nous avait emmenés manger des okonomiyaki, sortes de crêpes qu'on assemble et cuit soi-même à une table-grill à partir d'un mélange de chou râpé, viande au choix, oeuf cru et pâte à crêpe. Comme on avait bien aimé, elle nous a recommandé d'essayer la variante d'Hiroshima dans un resto bien précis situé au-dessus de la gare, et dont nous avions même la photo, sachant qu'il n'est pas toujours facile de reconnaître les idéogrammes indiquant l'établissement. Là la recette est plus délicate, et les cuisiniers les préparent eux-mêmes sur de grandes plaques chauffantes autour desquelles s'étire un comptoir. On peut choisir la version "sans", mais la spécialité locale est d'y incorporer un tas de nouilles soba au sarrasin, ou udon, plus grosses, au blé. Un délicieux coupe-faim au résultat assuré!

Naoshima

citrouille Outre le musée, nous avons visité à Hiroshima quelques jardins et temples avant de prendre le train puis un traversier pour atteindre l'île de Naoshima, que nous avait recommandée Antoine, fils d'un ami de mon père, et habitant Tokyo. Suite à une exposition d'art il y a plusieurs années, l'île a fait l'objet d'un développement muséal hors du commun, trois institutions majeures s'y étant établies, donnant à cet endroit sauvage une nouvelle vocation artistique et touristique. Le logement y étant rare, sinon très cher, nous avons opté pour l'expérience japonaise totale, réservant une chambre dans un ryokan, une auberge traditionnelle où l'on dort à ras de sol sur un tatami (natte en paille) surmonté d'un futon. L'ensemble est confortable, bien qu'on n'ait pas le rebond d'un lit. L'effet est cependant différent de celui qu'on obtient en dormant par terre à la maison, les meubles étant ici dimensionnés en conséquence. Pas de chaises, seulement une table basse, et bien sûr des murs en papier et des portes coulissantes qui ne verrouillent pas. Ce dernier détail nous a plutôt surpris dans un lieu où l'on accueille plusieurs personnes, et encore davantage lorsque la mère de notre logeuse a ouvert la porte au second matin pour nous appeler à déjeuner! Le plus contraignant pour nous dans un ryokan était de toujours devoir se déchausser. Il est hors de question d'y circuler avec ses chaussures de ville: dès l'entrée, une ligne de démarcation claire, souvent appuyée par une marche, indique l'endroit où l'on doit passer aux pantoufles. L'établissement en fournit, mais au Japon, elles m'arrivent toujours au milieu du talon ou sous la plante du pied, alors j'utilise mes sandales de douche. Cependant, lorsqu'on arrive aux toilettes, presque toujours communes dans ces auberges, il faut laisser ses propres sandales à la porte et enfiler les sandales publiques qui résident dans la toilette et qui sont clairement marquées à cette fin. Un ami nous avait d'ailleurs raconté que son père en visite au Japon avait ainsi causé un double émoi en oubliant de remettre ses sandales pour continuer ensuite dans la salle à manger de l'hôtel. Panique dans le resto, et attente aux toilettes, devenues inaccessibles sans les sandales idoines.

Nous avons loué des vélos face au terminal maritime, puis traversé l'île pour aller visiter Benesse House, le seul des trois musées d'art qui soit ouvert le lundi. Plusieurs peintures sont exposées à l'intérieur, mais les sculptures et installations extérieures en bordure de la mer sont encore plus intéressantes. Nous avons finalement traversé toute l'île avant de rendre les vélos. Mardi, nous avons de nouveau loué des vélos pour aller visiter le Chichu Art Museum, un impressionnant musée souterrain dont les seules structures extérieures sont des puits de lumière, l'idée étant de faire de l'architecture non monumentale s'insérant dans le paysage sans le transformer. Le site ne comporte qu'une douzaine d'oeuvres, dont quatre peintures de Monet et d'étranges installations jouant avec la lumière, mais l'endroit valait vraiment cette visite matinale avant d'aller prendre le traversier en fin d'après-midi pour Takamatsu, sur la grande île de Shikoku, la moins fréquentée de l'archipel japonais.

Shikoku

Profitant des dernières heures du jour, nous avons parcouru le parc Ritsurin, un des beaux jardins du Japon, datant du milieu du 17e siècle. Nous sommes arrivés à la cascade à 16:58, pour constater qu'on l'arrêtait à 17:00! Le lendemain, un trajet de deux heures en train nous emmenait à Matsuyama, où nous allions visiter le château. Après avoir repéré le petit resto conseillé par Antoine, et laborieusement réservé une place, nous sommes allés au Dogo onsen, le bain public. Nous avons choisi le bain de base, où pour 400 yens (4$) nous pouvions passer tout le temps qu'on arrivait à supporter dans une piscine d'eau thermale presque assez chaude pour faire cuire un oeuf. On s'y baigne nu, mais l'endroit n'est pas mixte comme en Allemagne. Une fois bien ramollis, nous sommes retournés à l'Okaerinasai ("bon retour"), où le chef prépare des izakaya, spécialités japonaises variant selon l'inspiration du moment. Venant sur la recommandation d'Antoine, et voyant que le chef, pourtant dans la jeune trentaine, ne parlait pas un mot d'anglais, nous lui avons simplement dit que nous lui faisions confiance pour le choix des plats, ce qui nous a valu un sourire de bonheur. Se sont succédés du sashimi (poisson cru), une salade originale, de la peau de poulet farcie et grillée, du foie cru (trop froid et trop salé à mon goût) et une surprenante omelette aux épinards, le tout arrosé de bière et d'un excellent sake très fruité. La soirée fut très amusante, les quatre autres convives au comptoir essayant de communiquer avec les gaijin (étrangers) avec un vocabulaire anglais de quelques mots. À un moment donné, ne sachant pas nommer le poisson qu'on mangeait, la voisine a appelé un ami biologiste pour nous trouver le nom anglais. Le chef, lui, a passé la soirée à tenter de se rappeler de cet Antoine qui était venu quelques mois plus tôt et nous avait donné l'adresse. On a franchement rigolé ce soir-là.

Nagasaki

glover Le lendemain nous faisions le long voyage en train vers Nagasaki. Prendre le train au Japon est un charme: les trains sont parfaitement ponctuels, confortables, silencieux et rapides! En outre, ils vont partout, jusque dans la moindre campagne, et avec une fréquence surprenante. À certains moments, l'afficheur nous indiquait que nous roulions à plus de 250 km/h! On était loin des 15-20 km/h de moyenne de l'Asie du sud-est. En raison de la fréquence élevée des trains, les correspondances sont souvent très courtes, parfois de 4', et pour manger, le plus simple est de s'acheter un bento, ces boîtes-repas froides offertes dans une grande variété de plats. À 17:00, nous débarquions à Nagasaki, où là encore, rien ne laisse penser à un bombardement nucléaire 62 ans plus tôt. Comme bien souvent, nous avons mis une demi-heure pour localiser l'hôtel à "20' de la gare", pour ensuite en prendre moins de 15 pour retourner à la gare. Toutes les villes n'affichent pas également les noms de rues, même en japonais, et il est souvent plus facile de se repérer à partir des commerces, d'autant que les adresses sont rarement séquentielles. Notre chambre du 12e étage offrait une magnifique vue sur le port. Le 23 mars, jour de mon anniversaire, nous avons visité le musée de la bombe atomique, moins intéressant que celui d'Hiroshima, mais néanmoins informatif sur les différents accidents nucléaires survenus depuis, et surtout sur toutes les crises politiques et militaires (guerre de Corée, crise des missiles de Cuba, guerre du Golfe, etc.) où l'on a envisagé de nucléariser le conflit, heureusement sans passer aux actes. Après une tournée des sculptures du parc sur la colline, nous avons dîné dans un kaiten sushi (sushi à la chaîne) puis parcouru les quais branchés de Dejima, avant de célébrer de façon exceptionnelle en achetant une pizza à emporter pour manger à la chambre avec une bouteille de vin rouge australien. Comme quoi le bonheur tient à peu de choses, surtout vu la minceur de la garniture! (On a croisé quelques pizzas en Asie, mais on s'en tient d'ordinaire à la nourriture locale).

parapluies Samedi, la météo rompait avec trois semaines de beau temps pour nous infliger une journée complète de pluie forte et de vent. Faisant relâche du tourisme, Annick a poursuivi ses lectures tandis que j'ai avancé mon logiciel et quelques affaires connexes. Dimanche, le beau temps revenait, et nous allions arpenter l'ancien quartier des étrangers, la côte des Hollandais et Glover Garden, qui rappellent qu'à l'époque où le Japon était un pays fermé, Nagasaki fut pendant deux siècles le seul port ouvert aux étrangers. Les Européens, d'abord venus commercer, furent finalement expulsés au 17e siècle pour cause de prosélytisme. Les missionnaires reviennent maintenant, ceux croisés à Hiroshima et Nagasaki nous demandant de contribuer à la "propagation de l'évangile et de la foi envers le seul vrai Dieu", ce à quoi j'ai répondu que les Japonais avaient déjà une religion et qu'on devrait plutôt les laisser tranquilles. Il est assez ironique que ce soit là où on leur a balancé deux bombes nucléaires sur la tête, que la même nation vienne maintenant faire avancer son dieu et sa vérité. On n'a rien inventé en Irak! Après un coucher de soleil au quai Dejima, nous avons fait une razzia dans un magasin à 100 yens (un dollar), où les articles souvent surprenants sont d'une étonnante qualité, et présentés dans un environnement agréable.

Lundi nous avons pris le train pour Nagoya, une ville dominée par l'usine Toyota. Malgré son caractère industriel, la ville recèle d'innombrables friperies et magasins branchés. Le mardi matin, nous nous rendions chez Toyota, ayant réservé notre visite deux semaines plus tôt. Après une promenade libre dans le musée et un exercice de conduite virtuelle dans une voiture montée sur des vérins simulant les mouvements sur la route, une guide nous a promenés deux heures durant sur les passerelles surplombant les chaînes de montage. Le plus spectaculaire était l'atelier de soudure, où une douzaine de robots se retournent dans tous les sens pour réaliser les quelques 4000 points de soudure du châssis et de la carosserie. On a pu apprécier la souplesse de la "méthode Toyota", où la même chaîne de montage peut servir à assembler divers modèles de voitures ou camionnettes se suivant l'un après l'autre. La chaîne ne comporte aucun rail, les véhicules en cours d'assemblage (une opération de 20 heures) étant tractés par des chariots filo-guidés. Pendant ce temps, on a fermé la GM de Sainte-Thérèse parce qu'il en aurait coûté trop cher de convertir à un autre modèle ses chaînes d'assemblage de Camaro. La visite était inspirante du côté de la qualité et de la gestion participative des processus. trompette Le tout s'est terminée sur un concert de trompette joué par un robot. Nous avons ensuite pris un train en après-midi pour arriver à Tokyo à 19:00.

Mercredi, nous commencions la journée par une promenade dans le parc Ueno pour admirer les sakura (cerisiers en fleurs). L'événement ne dure que quelques jours, mais suscite un véritable engouement au Japon, un pays où toute mode se traduit par une affluence monstre. ueno Un matin de semaine, on y circulait comme sur un quai de métro de Montréal à l'heure de pointe; on n'ose imaginer ce que ce sera dimanche! Le spectacle était néanmoins très joli. Malheureusement, les allées du parc sont couvertes de bâches bleues que les entreprises réservent à l'avance pour organiser des pique-niques le midi. Des employés juniors sont d'ailleurs envoyés dès le matin pour garder la place. Nous avions ensuite rendez-vous avec Antoine, qui habite Tokyo. Antoine nous a promenés dans Ueno, Asakusa, Akihabara (le quartier de l'électronique) et Shibuya, ce gigantesque carrefour emblématique de Tokyo, où chaque tour a son écran géant. Curieux de nature, Antoine a su répondre à nombre de questions restées jusque-là sans réponse, jambes telles les pieds des Japonaises tournés vers l'intérieur, qui selon lui seraient dus à la déformation des chevilles à force de s'asseoir sur les talons. N'étant pas japonais, mais le parlant couramment, Antoine se surprend des mêmes choses que nous, qui passent souvent inaperçues aux yeux des habitants. Nous promener avec lui fut un réel plaisir, d'autant que nous pouvions délaisser la carte, et simplement nous en mettre plein la vue. Nous sommes rentrés crevés, tard après souper. Jeudi, nous avons visité seuls pendant quatre heures dans le magnifique musée national, où l'on peut apercevoir des objets anciens d'une qualité que nous n'avions jamais vue ailleurs en Asie. Nous avons ensuite exploré le magasin de jouets préféré d'Antoine, un commerce de six étages, chacun offrant des figurines, produits dérivés, déguisements et accessoires relatifs à des personnages de bandes dessinées, de séries télévisées ou de films (Star Trek, Hello Kitty, Pokemon, Spiderman, Goldorak, etc.) Au rez-de-chaussée, on trouvait des murs entiers de breloques comme les gens en portent sur leur téléphone portable. poissons poissons2 poissons3 Puis nous sommes allés magasiner à Ginza avant de refaire le plein de sushis. Vendredi, la météo nous a servi un déluge pendant que nous explorions les allées, heureusement couvertes, du marché de gros. On y voit du poisson en quantité et en variété comme nulle part ailleurs. Et la marchandise y est si fraîche, que ça ne sent... pas le poisson! sakura Nous avons ensuite rejoint Antoine chez lui, pour marcher dans son quartier, voir les cerisiers en fleurs au parc Mitsuike Koen ("aux trois étangs") de Yokohama, plus tranquille que celui d'Ueno, et faire un tour dans les rues commerçantes de Kawasaki. Nous avons terminé la soirée en faisant notre bagage pour prendre l'avion vers Montréal ce matin. Si nous avons si peu écrit sur le Japon, ce n'est pas par manque d'intérêt, mais bien au contraire, parce qu'il y avait tant à faire que nous rentrions tard et crevés, et ne passions à l'hôtel que le temps d'une courte nuit avant de repartir. Les aventures se poursuivent au Mexique et en Espagne, mais ce blogue s'achève ici.

Notes culturelles

    guichet

  • Les Japonais sont si polis, ils saluent et s'excusent tout le temps. Leur façon de dire au revoir consiste en fait à s'excuser de s'en aller. Dans les gares, on voit des hommes d'affaires se saluer courbés à 90°. Dans le train, même le contrôleur et la vendeuse de friandises se retournent et saluent quand ils quittent le wagon. Même les guichets automatiques ont l'air sincèrement désolés quand ils ne peuvent accepter ma carte de retrait.
  • On croit beaucoup à la chance ici, et on aperçoit souvent de petits bols de sel déposés de part et d'autre de la porte des commerces pour chasser les mauvais esprits. Dans les temples, les gens font une offrande pour ensuite piger un petit papier qui leur prédit la bonne aventure. Si la prédiction n'est pas favorable, ils laissent la feuille au temple dans un endroit désigné pour abandonner cette malchance derrière eux.
  • Le Japon est un immense marché de consommateurs. Un lundi soir au grand magasin Tokyu de n'importe quelle ville, il y autant de monde qu'au Centre Eaton le 23 décembre! Les gens travaillent beaucoup, gagnent beaucoup d'argent, mais manquent de temps libre ou de vacances pour le dépenser, alors ils consomment. Ce serait l'endroit où l'on retrouve la plus grande concentration de sacs Vuitton au monde. Les grandes marques y sont très prisées, et les gens dépensent visiblement beaucoup sur leur apparence.
  • Presque tout le monde, enfants compris, a son téléphone portable, toujours avec appareil-photo intégré. C'est d'ailleurs la source principale de divertissement dans les transports (musique, vidéo ou jeux).
  • En japonais, les mots ne se terminent jamais par une consonne autre que 'n', et deux consonnes sont toujours séparées par une voyelle. Alors les mots anglais sont "japonisés", un "spa" devenant "sapa", "wood" devenant "oudi", tandis que "left" et "right" se prononcent souvent "leftu" et "rightu"...
  • Le vélo est partout et sert à tout le monde en tout temps. Pas seulement pour faire du sport: on voit plein de gens habillés pour sortir qui se déplacent au centre-ville à vélo. Mais en l'absence de piste cyclable, la plupart roulent sur les trottoirs.

Épilogue

L'Asie, qui nous était inconnue, nous a plu davantage que nous l'espérions. Nous y reviendrons sûrement, notamment au Japon; je devrais d'ailleurs commencer des cours de langue en septembre prochain. Au-delà des différences économiques et culturelles, les aspirations des gens rencontrés en Asie ne sont pas différentes de celles des autres Terriens: vivre en paix et connaître le bonheur. La plupart savent d'ailleurs être plus heureux que nous avec bien moins. Ce voyage nous aura assurément rendus plus zen, laissant maintenant aller plus facilement, ayant appris à lâcher prise quand les conséquences ne sont pas tragiques. Espérons que ça durera.

En 6,5 mois de voyage, nous ne nous sommes jamais fait voler, ni vraiment rouler, et n'avons oublié qu'un drap de couchage dans un hôtel en Inde. Nous n'avons connu que quelques incidents aux conséquences mineures (pour nous): un coup d'état puis un tremblement de terre en Thaïlande, un plafond de grotte heurté au Laos, quelques heures à nous demander si nous serions contraints de dormir sur la plage à Ngapali (Myanmar), et quelques frayeurs d'entreposage des sacs de souvenirs à Bangkok et Tokyo. Voilà qui rassurera les plus inquiets qui se demandent comment on survit à pareil périple.

À l'aéroport de Tokyo, nous allions acheter deux bouteilles de sake, mais le commis nous a prévenus qu'à notre escale à Chicago, pour raisons d'insécurité, il ne nous serait pas permis de les reprendre en bagage à main. Il semble que l'idylle Harper-Bush se poursuive: à Chicago on nous a envoyés dans la file US citizens and residents et le douanier nous a souhaité Welcome home!

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15 mars 2007

L'empire des sens

Nous avons passé nos derniers jours à Bangkok à trier le contenu de nos sacs en prévision du Japon, à magasiner un nouveau sac pour rapporter les souvenirs et... à acheter de nouveaux souvenirs! Dans un magasin à rayons où j'ai demandé un tue-mouches électrique ("fly zapper"), on m'a emmené au rayon des friteuses. Normal, ici on mange du flied lice... Pour éviter de s'encombrer davantage tant que l'on voyageait en Asie du sud-est, nous avions remis à notre dernier passage en Thaïlande une ultime visite au marché de fin de semaine Chachutak, où l'on trouve de tout à bon prix. Nous y étions dès 8:30, mais bien que le marché ouvre à 8:00, tous les commerces ne sont en place que vers 10:00. À 12:30 nous avions cependant trouvé tout ce que nous cherchions et comme il commençait à y faire très chaud, nous avons rapidement dîné avant d'aller nous achever par un dernier aller-retour sur les bateaux qui font la navette sur le Chao Praya. À 16:00, nous étions à l'hôtel à fermer nos sacs, crevés et contents de partir le lendemain vers les cieux plus frais du Japon.

yokoso Notre arrivée au Japon a été retardée par la fouille de nos sacs par les douaniers japonais. Sont-ce les cheveux longs ou les tampons des autres pays d'Asie du sud-est qui les ont allumés? On ne le saura pas, mais ça m'a valu quelques rapprochements intéressants:
- In Cambodia, you went to cheap guest houses?
- Yes.
- And this is where you smoke marijuana?
- !
J'étais embêté de le voir sortir tout ce qu'on avait si soigneusement empaqueté, tant pour que ça tienne dans le sac, que pour protéger les objets fragiles, mais le douanier a remis chaque chose à sa place, pliant même mes chemises avec plus de soins que moi. J'avais espéré y échapper quand j'avais pointé Annick alors qu'il me demandait si je voyageais seul, mais quelques instants plus tard, on l'emmenait dans une salle plus discrète pour subir le même sort, le douanier disant qu'un chien avait flairé quelque chose dans ses sacs. J'ai été coupable d'un crime de faciès tandis que le chien renifleur a surtout dû sentir qu'il devait atteindre son quota journalier de sacs à dos s'il voulait avoir son biscuit, mais tout ce temps perdu n'a été rentable pour personne.

Tokyo

tokyo Nous avons ensuite évité 100$ de taxi en prenant le train régional (50') pour arriver à notre hôtel du centre-ville de Tokyo, guidés par un aimable Japonais qui a appelé l'hôtel de son cellulaire pour nous réorienter - les gens ici sont vraiment d'une grande gentillesse. D'ordinaire, nous ne réservons rien à l'avance, mais au Japon, on court le risque de ne rien trouver tant les Japonais sont nombreux à voyager, surtout au printemps (ici comme ailleurs, ils voyagent en groupe). Heureusement, quelques sites Internet offrent des engins de recherche performants et même des prix réduits. Seconde tuile de la journée: alors que c'était une des raisons qui nous avaient fait choisir cet hôtel, les gars du quart de nuit nous affirment, bras en × à plat devant eux (un geste courant ici), qu'ils ne disposent pas d'espace d'entreposage pour les bagages que nous comptions laisser sur place pendant trois semaines; tout au plus quelques casiers journaliers, trop petits, et presque tous occupés. Le lendemain, les filles du quart de jour ont été plus débrouillardes, et tout s'est réglé avec un sourire. Heureusement car l'armature du sac à roulettes acheté à Bangkok avait commencé à se détruire sous la charge supplémentaire du sac acheté à Katmandou, et n'aurait pas survécu à une tournée du Japon!

La surprise de taille est arrivée avec celle de la chambre: pour 120$, on a un lit ¾ et tout juste la place pour se déplacer autour. L'aménagement est cependant très fonctionnel et clairement pensé en fonction de cet espace réduit. Seconde surprise, amusante celle-là: le siège de toilette chauffant, avec bidet et douche intégrés, commandés électroniquement (et même à télécommande infrarouge plus tard à Kyoto!) Dans le tiroir, on trouve un livre des enseignements de Bouddha et une lampe torche en cas de séisme. En plus des chambres "western", plusieurs hôtels offrent des chambres de style japonais, avec tatami, futon mince et meubles surbaissés. Mais on n'était pas au bout de nos surprises: rien n'est comme ailleurs au Japon. Que ce soit le thé chaud en bouteille ou les cafés glacés aromatisés en cannette vendus dans les distributrices, les restos où l'on passe et paie sa commande à une distributrice pour ensuite donner le coupon au comptoir, les toilettes qui imitent le bruit d'une chasse d'eau (pour couvrir les autres...), les filles (et quelques garçons) qui marchent les pieds tournés vers l'intérieur (déformation congénitale?), kimonos les dames qui passent dans la rue habillées en kimono de geisha avec coussin dans le dos, chaussettes fendues et sandales en bois ou les 20% de gens qui circulent avec un masque sur le nez (pour les allergies printanières nous a-t-on dit), les gens au volant qui regardent la télé dans leur tableau de bord, rien ici n'est ordinaire! Le Japon est surprenant ou fascinant à tous points de vue.

À Tokyo, on ne voit ni ordures, ni graffitis, ni vandalisme. Tout est propre et bien mis. Trop peut-être, quand on voit que les Japonais s'évadent dans la lecture de mangas (bandes dessinées japonaises) au resto (fournis par l'établissement) et dans les bruyantes arcades de jeux vidéos et de machines à sous qu'on croise partout dans la ville, mais qui de l'extérieur nous semblaient être des supermarchés. Sans compter que l'industrie du fuzoku (sexe commercial) est la 2e du pays. On dit que le Japon vieillit, mais pour l'instant, le groupe 20-25 ans compte presque autant d'individus que le groupe 45-49 ans, le groupe le plus populeux. On croise donc beaucoup d'adolescents et de jeunes adultes, avec une pyramide des âges moins pointue au Japon qu'en Occident.

Les bonnes manières sont une notion toute relative: s'il est très impoli de se moucher en public, on peut cependant renifler et saper sa soupe sans gêne. On peut bien sûr se moucher en privé, et durant nos promenades en ville, nous avons souvent reçu de petits paquets de mouchoirs en papier avec de la publicité sur l'emballage.

C'est un cliché de dire que les Asiatiques se ressemblent tous, bien que dans les faits, ils partagent souvent un type physique semblable (yeux noirs, cheveux noirs et lisses). Les jeunes Japonais travaillent très fort pour se distinguer, bien que ça les fasse encore là se ressembler pas mal: coiffures au pétard et tenues étriquées pour les garçons, mini-jupe ou short court, collants aux genoux et talons aiguilles ou bottes au-dessus des genoux et teinture brun noyer tirant parfois sur le roux pour les filles. photo Les adolescentes semblent cultiver un côté enfant plus longtemps qu'ailleurs, avec des toutous et des breloques accrochés au cellulaire, un look Barbie et une façon un peu minette de rire ou de s'esclaffer en se tortillant. ecolieres La jupe courte fait partie de l'uniforme usuel des écolières sans que ça ne semble brimer les libertés individuelles. Pour se distinguer, leurs chaussettes blanches requises par l'uniforme sont souvent ornées de petits logos tels le lapin de Playboy. Quand les jeunes posent en photo, ils font le "V" de la victoire ou de drôles de signes. Si les Japonais me laissent plutôt indifférents, ce n'est pas le cas des Japonaises, qui ont quelque chose de sophistiqué et de mignon à la fois, surtout avec leur extrême politesse et leur sourire spontané. Plusieurs sont très jolies avec leur teint de porcelaine, leurs paupières lisses et leurs yeux en amande, et c'est donc à elles que je tend à m'adresser lorsque je cherche mon chemin. Les hommes ont l'air plus austères, et sont tous habillés de noir, une couleur (?) très populaire ici, tous sexes confondus.

Notre hôtel était situé dans un quartier d'affaires du centre-ville. Le soir, on y croise des hommes en cravates qui sortent encore des bureaux en grand nombre à 20:00. Ils vont ensuite au resto entre collègues, majoritairement masculins, pour ensuite rentrer tard à la maison, ou dormir dans un hôtel capsule (chambre réduite à un habitacle cylindrique de type sarcophage) et ainsi s'éviter le train de banlieue.

On roule à gauche au Japon, les vélos en font autant, mais les piétons eux, circulent à droite, comme l'indiquent souvent les flèches au sol. La moto n'a pas ici la popularité dont elle jouit au Vietnam, mais le vélo lui est très utilisé et par tout le monde. On en voit des centaines garés près des gares de train et des stations de métro, et on croise souvent des hommes d'affaires en veston cravate ou des femmes en talons aiguilles traversant le centre-ville à vélo. Tout cela serait idéal si les vélos ne circulaient pas massivement sur les trottoirs, par obligation ou préférence, on ne sait pas, mais des flèches y sont placées à leur intention. Comme piétons, on a intérêt à bien regarder avant de se déplacer latéralement. À Shinjuku, un quartier de gratte-ciels qui canalisent si bien le vent que l'endroit pourrait s'appeler Hurlevent, des dizaines de vélos étaient renversés par les bourrasques. Notre Rough Guide indique que les Japonais sont très honnêtes, bien que le vol de vélos y soit courant. On a peine à y croire quand on découvre que les cyclistes se contentent du verrou de roue arrière intégré à la plupart des vélos (sans s'attacher à un quelconque poteau, absents ici), tandis qu'à Montréal, on force les cadenas en "U" avec un cric de voiture. J'ai même aperçu un Trek carbone qui a passé toute la journée appuyé librement contre le mur à l'entrée d'un resto...

ginza C'est à Ginza que nous avons trouvé le Tokyo qu'on imaginait: artères immenses, néons partout, écrans géants et flot ininterrompu de passants. Malgré tout, la foule de Tokyo n'a pas la densité de celle de Bangkok, et on y marche mieux, d'autant que les trottoirs sont plus larges.

À notre seconde soirée à Tokyo, nous avons assisté à un acte de théâtre kabuki d'une durée d'une heure et demie (la séance complète dure quatre heures avec les entractes). En soi, ce spectacle un peu naïf racontant une histoire se déroulant aux temps féodaux ne nous a pas bouleversés. Cependant, le commentaire de l'audio-guide s'est révélé très instructif: alors que le théâtre occidental en est un de représentation, où les personnages nous font croire au propos et à l'action, le kabuki en en un de présentation, où toute l'importance est donnée à l'acteur, son jeu et son talent, et où l'histoire est accessoire. Tous les théâtres ont apparemment commencé ainsi, mais le kabuki n'a pas changé. Depuis des siècles, les rôles féminins sont joués par des hommes, personne ne l'ignore ni ne croit qu'il en soit autrement, mais le détail n'a pas d'importance pour l'histoire, l'important est le jeu de l'acteur, pas la trame. En observant autour de soi, on réalise que cette esthétique se retrouve partout dans la société japonaise, où l'on cultive à fond le plaisir des sens. maquettes On se surprend alors moins de voir tant de restos afficher des photos ou même des maquettes en plastique imitant à la perfection les plats servis: les consommateurs savent de quoi aura l'air le plat. Cette recherche de la beauté est partout, tant dans l'architecture, l'habillement le commerce ou l'urbanisme. Même les plats de service et le couvert des restos sont en bois laqué. Mais les sens dépassent la simple beauté, et tout ici est raffiné, jusque dans sa texture et son odeur. On se fait souvent prendre à ce jeu: nous qui sommes habitués à une esthétique de la cuisine surtout confinée aux desserts et à la confiserie, nous goûtons parfois avec surprise des préparations à base d'algues ou de poisson qui nous semblaient être des gâteaux sucrés, des caramels ou des pâtes d'amande! Il est souvent difficile de savoir ce dont il s'agit car à l'exception du personnel des hôtels et des offices de tourisme, les Japonais ne parlent presque pas l'anglais, voire pas du tout. Le contraste est étonnant avec les autres pays visités précédemment, où tout le monde tirant une forme de revenu des touristes, on parle la langue de l'argent. Économiquement favorisé, mais peut-être trop enfermé dans son insularité, le Japon peut se permettre de se refermer, se suffisant culturellement à lui-même. On est surpris que même les jeunes, qui apprennent pourtant l'anglais à l'école, soient incapables de nous répondre dans les commerces ou la rue. Et alors qu'en Europe les produits alimentaires sont libellés en de nombreuses langues, ici tout est exclusivement rédigé en japonais. Étonnamment, on ramasse souvent des publicités ou des magazines aux nom et titres en anglais, pour ensuite constater que tout le reste n'est qu'en japonais. De nombreux commerces portent d'ailleurs des noms en anglais, mais on ne nous y comprend pas davantage. Le français est encore moins répandu, mais la langue française a ici quelque chose de chic qui incite à l'utiliser pour nommer des commerces et des produits, souvent sans aucun sens, et où les vêtements "Comme du mode" ou "Comme ça courir", la boutique "Fémme" ou l'épicerie "Marchè blanc" rivalisent de ridicule avec la Mazda Protegé (avec un seul é).

Les idéogrammes, mais c'est très simple

Nous nous efforçons donc d'apprendre quelques mots de japonais (formules de politesse et nombres) et même de le lire. La langue écrite n'est pas simple, trois alphabets étant simultanément utilisés: le kanji, idéogrammes d'origine chinoise, où chaque symbole est porteur de sens, le hiragana, lettres de sons japonais, et le katakana, lettres de sons étrangers (surtout anglais). Nous savons maintenant lire les kanjis "entrée", "sortie", "arrêt" et "départ". On arrive parfois à deviner le sens d'un idéogramme, mais avec le temps, la plupart ont subi des simplifications qui leur ont fait perdre leur caractère initial de pictogramme. Le japonais romanisé (écrit en alphabet latin) est assez facile à prononcer pour nous, et les mots comme les noms de rues ou de gares de métro sont facilement reconnaissables par les gens auxquels on s'adresse. Il est toutefois pratique de pouvoir attirer l'attention en japonais avant de poser sa question: au bond qu'a fait une serveuse d'un restaurant quand je lui ai tapé sur l'épaule pour commander une bière (ayant oublié la formule "sumimasen" pour dire excusez-moi..), j'ai bien compris que ce n'était pas dans les usages. Grâce aux photos et maquettes, manger reste cependant la chose la plus simple, bien qu'on ait parfois des surprises, comme un midi où dans un resto de sushis, nous avons dit "sushi", puis commandé un menu en japonais, pour finalement recevoir un plat de boeuf sauté aux légumes, néanmoins excellent.

Se transporter est également assez facile, les noms des gares et des directions étant presque toujours indiqués également en alphabet latin. En fait, avec des stations et des sorties de gares nommées et numérotées et des plans de quartier un peu partout, on se retrouve plus facilement que dans le métro de Montréal. Les billets s'achètent à un distributeur automatique, et dans toutes les villes visitées jusqu'à présent, le système est le même, ce qui simplifie les choses. Il n'y a plus de pousseurs de foule dans le métro de Tokyo, et les wagons sont spacieux. Les gens font la file sur deux lignes devant les marques au sol indiquant la position des portes.

Pour tout le reste, on fait du mieux qu'on peut en pointant ou mimant ce qu'on veut.

Pour l'argent, c'est simple: un yen vaut presque exactement un cent canadien; tous les prix cités ici seront donc dorénavant en dollars canadiens. Si l'hôtel nous coûte un peu plus cher que chez nous, le prix des transports y est comparable, tandis qu'on mange à moins cher ici. Les prix sont nets (taxes incluses) et il n'est pas dans l'usage de laisser un pourboire. Mais, souffrant sans doute d'un préjugé de cherté, il y a peu de touristes étrangers au Japon, et en-dehors des attractions touristiques majeures, on croise moins d'une douzaine d'Occidentaux par jour dans la rue et les transports.

Kyoto

Nous avons étrenné notre passe de train de 21 jours en nous rendant à Kyoto mercredi matin dans un train rapide tout confort et rigoureusement à l'heure (2:45 de trajet). La fréquence de passage des trains à un quai donné est telle que le train ne reste pas plus de 3' en gare avant de repartir et qu'un suivant arrive! Nous avions réservé notre hôtel à l'avance via Internet, que nous avions dans la chambre à Tokyo (quelle bonne idée d'avoir pris le portable!). Ancienne capitale du Japon, Kyoto a été détrônée au profit de Tokyo alors que l'empereur s'y était à nouveau déplacé temporairement à l'occasion d'un énième incendie du palais royal de Kyoto. Malgré les grattes-ciel et les néons des rues commerciales, la ville a conservé le caractère traditionnel de ses maisons basses en bois. templedor Nous avons d'abord arpenté à pied ses boulevards pour visiter quelques temples ainsi que le musée des mangas, puis avons loué un vélo pour explorer des quartiers périphériques et longer les canaux et rivières qui traversent la ville et visiter deux temples. plancher Nous avons aussi visité le château Nijô, dont les planchers dits rossignols "chantent" lorsqu'on les foule, aussi délicatement que ce soit, grâce à un ingénieux mécanisme d'attache des planches, ce qui permettait d'avertir de l'arrivée d'un ennemi potentiel.

Nous sommes un peu tôt pour voir les cerisiers en fleurs, ce qui se produira plus tard dans le mois (la date prévue est annoncée chaque mercredi par le ministère de l'environnement), mais c'est un mal pour un bien, car avec les cerisiers, viennent les très nombreux touristes japonais venus les admirer. prunier Néanmoins, les pruniers et les magnolias, moins nombreux dans les parcs que les cerisiers toutefois, sont déjà en fleurs et très beaux à voir. Malgré le temps frais et quelques averses en début de voyage, il fait souvent très beau, probablement plus qu'au Québec en début de printemps. Mais j'ai beau montrer les filles en jupe courte et bas ¾ à Annick, elle préfère nettement porter sa doudoune de duvet achetée au Népal! Les écoliers croisés dans les lieux touristiques sont tous en shorts ou en jupes, mais les profs, pas fous, sont en pantalons. Pour nous, le Japon est l'occasion de délaisser les vêtements en nylon si pratiques quand il fait chaud et qu'on doit laver tous les jours, pour porter du coton, plus agréable. Je n'avais pas emporté de jeans, trop lourds, mais à Bangkok, je me suis procuré un (vrai?) Levis 501 pour 12$ et ainsi remplacer mes pantalons, devenus trop lâches après l'Annapurna! Autre changement: plus besoin d'acheter des bouteilles, ici on peut boire l'eau du robinet, ce qui est fortement déconseillé ailleurs en Asie. Et comme il y a de la vie tout le temps ici, on rentre plus tard, ce qui laisse peu de temps pour bloguer...

Osaka

Grâce aux bons soins de l'office de tourisme de Kyoto, nous avons pu réserver une chambre à l'hôtel Kinki (!) au coeur d'Umeda, le quartier chaud d'Osaka à 10' de la gare (1:10 de train de Kyoto). Malgré son nom (qui est en fait celui du district), ce n'était pas un des love hotels environnants, bien que le commerce voisin soit un peep show. Si Osaka a perdu son titre de métropole économique du Japon au profit de Tokyo, Tokyo demeure la capitale politique, et Osaka celle du commerce. La vie y est plus trépidante et la foule plus dense, et la tenue et le maquillage des filles y sont plus criards. Là on retrouve l'Asie urbaine dense et animée qu'on imaginait. Nous avons passé un dimanche en ville autour du château d'Osaka et dans les jardins environnants. Lundi, profitant de notre passe de train et de la gare toute proche, nous sommes allés visiter le magnifique château d'Himeji à une heure de la ville. L'office de tourisme local prête les vélos gratuitement, et ça nous a permis d'aller explorer quelques parcs éloignés et de longer les anciennes douves de la ville fortifiée devenues des canaux au milieu des nouveaux quartiers. sushis En rentrant, nous sommes allés souper dans un resto de sushis à la chaîne où les consommateurs sont attablés à un comptoir parcouru par un convoyeur sur lequel les cuisiniers déposent des assiettes de sushis. Toutes les assiettes de 1-2 morceaux sont à 1.30 $; on prend ce qui nous intéresse, et à la fin, on indique le nombre d'assiettes sur sa facture et on passe à la caisse. La soupe miso est incluse, de même que le thé, pour lequel un réseau d'eau bouillante court dans tout le comptoir.

Côté déjeuner, le choix est moins heureux: les Japonais commencent la journée avec du poisson séché et une soupe miso. J'ai bien essayé du boeuf sauté sur plat de riz, mais j'aurais préféré une simple toast. Le lendemain matin, alors qu'Annick déjeunait de son "Canada Beef" (annoncé sur une affiche montrant une mesa du Nouveau-Mexique), j'ai commandé 2 oeufs crus à la distributrice de tickets, puis demandé du riz (okome) et du sucre (satô) au comptoir; j'ai finalement dû courir au dépanneur voisin (un Seven Eleven!) acheter du sucre en enveloppes. Avec ça, je me suis confectionné un pouding au riz improvisé.

Mardi nous avons visité un musée en plein air de maisons de ferme anciennes. Curieux, la taille des pièces était exprimée en nombre de tatami (tapis de paille utilisé pour le couchage ou pour s'asseoir, et dont la taille semble standardisée à 1,5 m2). Construites aux 17e et 18e siècles, ces maisons pourtant destinées à des climats froids et neigeux comportent des cloisons extérieures en papier, des murs en bois mince et aucune isolation. On devait y geler partout sauf près du foyer central, comme de nos jours dans les gîtes de l'Annapurna. Étrange qu'à la même époque on construisait en Nouvelle-France des maisons en bois rond calfeutrées à l'étoupe où on pouvait se promener avec moins de vêtements que dehors. Avoir chaud à l'intérieur des maisons est-il une invention du nouveau monde? On a médité la question le midi autour de sushis avant d'aller prendre le train pour Nara (50').

Nara

Nara est une petite ville abritant plusieurs temples d'envergure. La dame à la réception de notre hôtel a eu la bonne idée de nous informer sur un festival se terminant le lendemain soir au temple Todaiji, le plus grand bâtiment de bois au monde. Pour 3$, nous avons loué un vélo tôt le matin pour découvrir ces temples, jardins et domaines. biscuits Le parc principal abrite une large population de cerfs qui se tiennent près des kiosques où l'on vend des paquets de biscuits... pour cerfs. Habitués au manège, ils n'embêtent pas les vendeuses, mais dès qu'ils ont vu quelqu'un en acheter, ils lui courent après, tirant sur ses vêtements jusqu'à ce que la personne finisse par prendre peur et lâche tout. todaiji Nous avons rendu les vélos en fin d'après-midi, puis avons pris le bus urbain pour retourner à ce temple et assister au dit festival, soit une cérémonie de 10' où les officiants faisaient tournoyer des boules de branches enflammées au balcon du temple. Pas étonnant que tous ces édifices aient pris feu au moins une fois dans leur histoire... Quant la cérémonie a commencé, on a vu s'allumer une forêt d'écrans d'appareils-photos numériques qui rappelait certains concerts rock.

okonomiyaki Nous avons repris le train pour Kyoto (1:15) ce matin afin d'aller se promener avec Eriko, une amie de notre voisine japonaise à Montréal. Nous avons passé la journée à visiter des temples majestueux et à nous promener dans les rues de la ville (sans avoir à suivre le plan - quel bonheur!), ce qui nous a permis d'en apprendre beaucoup et en français. On avait d'ailleurs préparé une liste de questions. Nous filerons demain matin à Hiroshima (1:30 de trajet).

Affiches insolites

Croisement ambigü Mini-jupe interdite Cerfs fâchés conducteur Badaboum! Machine recyclée

28 février 2007

Épilogue birman

Nous avons débuté notre dernière journée à Yangon par une visite du musée national, où. notre chauffeur de taxi a dû laisser son permis de conduire au militaire à l'entrée pour nous déposer à la porte! La photo est interdite, et c'est bien dommage, ne serait-ce que pour croquer les toilettes affichées Foreigners only mais identiques aux autres. Nous avons passé plus de trois heures à parcourir les quatre étages de collections sur la proto-histoire, l'écriture, l'histoire naturelle, la musique, les arts et métiers et les particularités de la centaine d'ethnies qui peuplent le pays.

Nous avons ensuite filé au musée Bogyoke Aung San, dédié au héros de l'indépendance nationale, dont, ironiquement, la fille Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix, vit maintenant en résidence surveillée, les militaires refusant de reconna๎tre sa large victoire aux dernières élections, tenues en 1989. shwedagon Le musée étant hélas fermé temporairement, nous avons plutôt fait le tour du méga-complexe de la pagode Shwedagon avant de faire une promenade dans le Jardin du Peuple, où le seul Birman malhonnête du voyage a tenté, après nous avoir causé un brin, de nous arnaquer en nous faisant payer le double du prix d'entrée auprès de la fille du guichet, "traduisant" pour nous. Une entrée de 2 U$ dans un parc ne nous surprenait qu'à moitié, le prix des attraits touristiques birmans étant élevé pour les touristes étrangers, et presque toujours exigé en dollars. Quelques pas plus loin, remarquant le prix inscrit sur les billets, je suis retourné au guichet, où flânait toujours le gars, pour réclamer mon argent. La fille qui "ne parle pas anglais" a pourtant vite compris et rendu les billets, pendant que notre gars tentait de nous faire croire que c'était normal au Myanmar, avec la politique et tutti quanti. Quand je lui ai dit qu'il était juste un mauvais Bouddhiste, il a marmonné que je confondais tout, comme lui avec la politique sans doute ;)

Au marché Bogyoke, Annick a pu se contenter à souhait en faisant le tour des bijouteries, sans pourtant rien acheter. Dans l'une d'elles, à côté des présentoirs de pierres précieuses, un pile de sacs de vermicelles de riz s'affichait à 25¢ l'unité, peut-être pour les proposer aux radins qui trouvaient l'or trop cher. Un hôtel de luxe voisin présentait une magnifique exposition de photographies du Myanmar rural et patrimonial par trois artistes nationaux.

garage Ce matin, pendant une dernière balade en ville, une commerçante frottait des billets de banque sur sa marchandise. Ici, la première vente de la journée est censée porter chance, et les commerçants sont habituellement enclins à marchander davantage le matin pour conclure cette première vente, avant de toucher le stock avec ce lucky money. En route vers l'aéroport, notre taxi s'est arrêté faire le plein à un comptoir improvisé qui permet de passer outre aux deux gallons quotidiens permis par le rationnement gouvernemental. Garage surréaliste: on y remplit (à peine) le réservoir de certaines voitures, tandis qu'on siphonne celui des automobilistes qui, roulant peu et n'ayant pas besoin de l'essence allouée, viennent la revendre à plus de deux fois le prix officiel. Il semble que le marché noir de l'essence soit alimenté par les militaires eux-mêmes. Le Myanmar vit sous embargo économique américain et européen en raison de son régime anti-démocratique. Sans doute pour la même raison, il reçoit peu d'aide caritative internationale, un "déficit" qui sera bientôt compensé par un fonds spécial des Nations-unies. Mais la charité a parfois bon dos: nous avons remarqué, et d'autres aussi nous en ont fait part, que les ONG roulent toutes en 4×4 rutilants, ce qui semble être leur premier investissement. Je me souviens d'ailleurs de cet Américain qui se lamentait à la cantonnade de la lenteur du lien Internet dans un cyber-café du Népal, ayant sans doute oublié qu'il était au Tiers-monde. Le lendemain, je croisais cet énergumène entrant au Kathmandu Guest House au volant d'un énorme 4×4 immatriculé au Texas et peint aux couleurs d'une association d'aide aux enfants et qui devait sans doute être le plus gros véhicule personnel ayant jamais circulé sur les routes népalaises! Charité bien ordonnée...

À Bangkok, nous avons retrouvé nos sacs entreposés à l'hôtel; nous ferons quelques courses et du réempaquetage pour laisser des choses à Tokyo pendant que nous voyagerons dans l'archipel japonais. La suite là-bas, on vole dimanche.

26 février 2007

Un dimanche à la plage à Ngapali

Air Mandalay a une façon originale de remplir ses avions: on vole d'abord une demi-heure vers l'est pour faire une escale de 15' à Heho (région du lac Inle) avant de repartir une heure vers l'ouest et atterrir à Thandwe (Ngapali) au bord de la mer! Une fois sorti de l'aéroport, nous avons senti que quelque chose n'irait pas en constatant que les bus des hôtels ne faisaient pas de réclame pour leur établissement, mais se contentaient de venir cueillir les clients ayant déjà réservé. Stupeur: tous affichaient complet! Réservant très rarement à l'avance, nous n'avions pas jugé nécessaire de le faire ici, mais il semble qu'en raison des attentats de l'automne en Thaïlande, les plages du Myanmar soient soudain devenues plus populaires. Un bus a accepté de nous laisser au premier hôtel de la plage, et nous les avons tous visité à pied. Ngapali est encore peu développé, et ses trois kilomètres de plage ne comptent qu'une douzaine d'hôtels alignés sur le front de mer, les restaurants se situant de l'autre côté de la route. La première chambre trouvée était un placard sombre à 15 U$, les deux suivantes des chambres de luxe à 99 puis 189 U$. Le dernier hôtel, d'une vingtaine de chambres, n'ayant une petite chambre sombre et sans vue à 25 U$ qu'à partir du lendemain, nous nous sommes donc rabattus sur le resort de luxe voisin. Grande chambre, télé avec TV5, douche chaude, électricité 24 heures, piscine, etc. Nous manquions de temps pour tout essayer! Je me suis tout de même connecté à Internet, mais les deux ordinateurs de l'hôtel présentaient une erreur de câblage qui envoyait du courant alternatif sur le châssis de l'appareil. J'ai ainsi grillé la clé USB sur laquelle j'apportais ce blogue composé sur mon PC; je me dépanne maintenant avec une carte SD (photo) et un lecteur portatif. Le lendemain matin, j'avais prévu me baigner dans la piscine, mais le buffet du déjeuner se tenant autour, ça devenait gênant d'aller y patauger, nous nous sommes donc re-baignés dans la mer, plus chaude, puis avons déjeuné en robe de chambre brodée de l'hôtel, avant de déménager à la mesure de nos moyens... perdant eau chaude, télé et coussins de plage et n'ayant plus l'électricité que de 17:30 à 7:30 alors que tournait la génératrice de l'hôtel. Pour 10 U$ de mieux, nous avons changé le lendemain pour une grande chambre à l'étage, claire et avec vue sur la mer. ngapali La mode du forfait tout compris n'est pas encore arrivée à Ngapali; ici, pas de loisirs organisés ni de clubs vacances, juste des hôtels d'un ou deux étages avec salle à manger en terrasse et des chaises face à la mer. La plage est belle et propre, le sable blanc et fin et l'endroit est absolument tranquille; il y a peu de monde, pas de vendeur ambulant et l'espace entre les hôtels est vaste. À certains moments, nous étions seuls sur la plage, surtout dimanche, jour de transit pour plusieurs. Nous avons passé trois jours à nous baigner, lire, flâner et manger des fruits de mer - le mixed grill de calmar, langoustines et poisson du jour (4 U$) d'un joli resto à 200 m était un régal! boeufsmarins Au-delà de notre hôtel s'étirait un village de pêcheurs. Les habitants passaient en nous observant, quelques-uns se baignaient, habillés de long, comme il est de coutume ici, et toujours avec une chambre à air d'auto ou de camion, ce qui laissait à penser qu'ils ne savent pas nager. On se demandait ce qu'ils pouvaient bien penser de tous ces touristes grassouillets, dénudés, oisifs et rougis par le soleil qui dépensent en un repas ce que gagne un instituteur d'ici en un mois (15 U$)...

Après une dernière baignade en mer ce matin, nous sommes de retour à Yangon sous le soleil de plomb de l'après-midi. Si c'était à refaire, nous laisserions tomber Mandalay au profit de randonnées au lac Inle et une visite au célèbre rocher doré du mont Kyaikto (marquant le don par un ermite d'une relique d'un cheveu du Bouddha au 11e siècle). Le Myanmar est le pays le plus pauvre que nous ayons visité et, paradoxalement, là où le logement et la nourriture ont été les plus chers (relativement bien sûr), même en excluant Ngapali. Nous visiterons quelques musées demain et volerons mercredi vers Bangkok où nous ferons quelques courses avant d'atterrir à Tokyo le 4 mars pour un mois d'aventures au Japon!

22 février 2007

Le béguin pour Bagan

Grâce au beau temps permanent qui sévit ici, nous avons fait une seconde journée de vélo à Mandalay, grimpant la montagne qui domine la ville puis longeant la rivière Ayeyarwady où s'étire un long village de maisons flottantes et de huttes de paille. Le soir, nous avons assisté au spectacle de marionnettes, une tradition locale qui avait failli disparaître, mais qui survit maintenant grâce à un public de touristes. Le rideau se soulevant à l'occasion pour nous permettre de voir le jeu des 10 manipulateurs (dont 6 femmes) se relayant, nous avons pu admirer la vivacité de leur maître de 72 ans, qui faisait danser et virevolter ses créatures au bout des fils. Muets ou joués en birman et accompagnés d'un orchestre de cinq musiciens, les sketches, qui comptent jusqu'à six marionnettes très colorées sur scène, racontent diverses légendes nationales. Nous sommes rentrés à pied en longeant le parc du palais royal, battant ainsi notre record d'Asie en marchant un kilomètre sur le trottoir, sans devoir en descendre pour éviter une moto, une auto, un atelier, etc.!

cotedesable Le lendemain, nous nous levions tôt pour aller prendre le bateau express vers Bagan (25 U$). Les rives de l'Ayeyarwady, moins monotones que celles du Mekong, sont faites d'îles de sable, de falaises de sable et de rochers ocres, le tout surmonté de temples et de stupas. L'apothéose survient en arrivant à Bagan, alors que les stupas se dressent comme d'immenses meringues ocres, blanches ou dorées. À partir du 11e siècle et durant plus de 200 ans, les rois de Bagan ont voulu afficher leur prospérité et leur ferveur bouddhiste en construisant plus de 4000 temples, stupas et lieux de culte. Après avoir acquitté les 10 U$ d'accès au site historique, nous avons roulé vers la ville avec le chauffeur de l'hôtel pressenti, aperçu en remontant la pente du débarcadère alors qu'il venait chercher un client qui n'était finalement pas sur le bateau. debarcadere Avec ses beaux planchers de bois et ses deux fenêtres en coin, notre chambre (10 U$) au May Kha Lar s'est avérée très agréable. L'eau chaude qui circule dans la trentaine de chambres est produite dans un chauffe-eau au bois, ce qui explique l'activité et la fumée dans la cour le matin. Comme presque tous les commerces et maisons privées, l'hôtel possède son petit autel de prière où sont déposées des offrandes de nourriture, qu'on remet plus tard aux moines ou aux pauvres ou qu'on consomme soi-même. Le matin on prend le déjeuner (inclus) sur la terrasse ombragée; je choisis le déjeuner occidental, aux œufs et toasts, mais Annick opte pour le déjeuner birman, une surprise chaque matin: soupe aux nouilles, riz au cari, riz aux légumineuses, etc.

Nous habitons un vieux quartier de Bagan situé en plein cœur de ce qui constitue un véritable musée archéologique s'étendant sur des kilomètres carrés. bagan Le site, qui rappelle Angkor (Siem Reap au Cambodge), n'en a pas le caractère monumental, mais la multitude de temples parfois très élaborés a quelque chose de saisissant. Le site se visite mieux qu'Angkor, en raison des distances moindres et d'un achalandage limité. À moins de 500 m du centre-ville, on se retrouve en pleine campagne désertique, et aussi loin que porte le regard, et en quelque direction que ce soit, on aperçoit les tours faites de brique de couleur rouge-orangé. Pourtant, à l'époque de leur édification, ces temples étaient enduits de stuc couleur crème qui, en s'écaillant, a emporté avec lui les frises finement sculptées in situ qu'on aperçoit encore en certains endroits. Marco Polo raconte dans ses écrits que quelques stupas étaient recouvertes d'or sur un doigt d'épaisseur, ce qui les faisait paraître d'or massif! Malgré 900 ans d'existence et plusieurs tremblements de terre, dont celui de 6 Richter en 1975, l'état des monuments est remarquable et peu sont laissés à l'abandon. Les murs intérieurs de certains temples abritent encore des peintures relatant les grands épisodes de l'histoire religieuse. rosevif En certains endroits, on a planté des bougainvilliers, dont les fleurs rose vif adoucissent l'aridité minérale des lieux. Le moindre monument renferme au moins une statue du Bouddha, et bien qu'on en ait déjà vu des centaines dans ce voyage, c'est ici que nous avons admiré la plus belle, faite de bronze doré.

ecoliers Durant trois jours, nous avons loué des vélos (1 $CAN par jour) et méthodiquement arpenté le site entier, sous un soleil de plomb dans un ciel sans nuage. La calèche à cheval aurait pu être une alternative si Annick n'était pas si allergique, mais en outre, on apprécie l'autonomie accrue que nous procure le vélo. Et on ne se refait pas, les plus beaux moments du voyage se passent en spéléo, en vélo ou en kayak. Combiner vélo et vielles pierres était encore plus agréable. Avec davantage de monuments à visiter que de touristes, il n'est pas rare d'y être seuls... avec les vendeurs de souvenirs (carillons, laques, masques, t-shirts, cartes postales, etc.) installés à l'entrée des sites majeurs et dont nous avons repoussé les avances jusqu'à saturation.

Un midi, alors que nous nous repérions sur la carte, l'instituteur principal d'une école voisine nous a croisés à vélo et nous a fait la causette. Nous expliquant que sa fille enseignait de 16:00 à 20:00, il nous invitait ensuite chez lui, disant que ça leur ferait grand plaisir. De retour en ville vers 18:00, notre hôte, qui enseigne le "Myanmar" (la langue birmane) et surtout l'anglais depuis 37 ans, abordait Annick en lui demandant Are you Canada? Nous avions apparemment mal compris: il nous invitait avant 20:00, alors que les enfants étaient debout. Nous avons pédalé avec lui jusqu'à sa maison où, après sa journée à l'école, il fait la classe gratuite aux enfants pauvres du quartier. Avec l'anglais difficile de notre hôte, nous n'avons jamais bien compris si ces enfants allaient à l'école le jour et venaient juste faire leurs devoirs le soir où s'ils n'avaient pas accès à l'école primaire, pourtant gratuite. Les enfants, âgés de 8-9 ans, en paraissaient 6; c'est le cas de tous ici, qui s'avèrent toujours plus vieux qu'on croit, en partie à cause de leur taille moindre. tannaka L'épouse de notre hôte s'est empressée d'emmener Annick à la cuisine pour l'initier au rite de la pâte de thanakha, obtenu en frottant une branche de l'arbre Linnoria acidissiura sur un petite meule mouillée. Ne se contentant pas des sages carrés appliqués au pochoir sur les joues, elle lui a enduit le visage, le cou, les oreilles et les bras pendant que notre hôte agitait un éventail destiné à faire sécher l'enduit, en disant qu'elle était beautiful. J'en étais moins certain, mais Annick s'est bien amusée, réjouie des vertus hydratantes du produit. La dame lui a d'ailleurs remis un bloc de poudre de thanakha; il s'agit peut-être de la future ligne estivale de Lise Watier. Des fillettes s'en font des soleils sur les joues, dans l'espoir que les touristes paieront pour les photographier, mais pourquoi se limiter au visage, alors que nous viennent plein d'idées pour d'audacieuses peintures corporelles! Après le thé, notre hôte a pris un sac plastique pour y verser les plats d'arachides et de bonbons et nous l'offrir. Débarqués à l'improviste, nous étions bien gênés d'être arrivés les mains vides alors que nous avions prévu d'aller acheter quelque chose. Pas de problème, notre hôte nous a détaillé le prix des fournitures scolaires requises pour ses 30 élèves et nous a informé que nous pouvions faire un don si nous voulions. L'argent laissé devrait équiper une douzaine d'élèves au complet. L'instituteur nous a bien dit que tous nos parents et amis étaient d'ailleurs les bienvenus pour venir le visiter, manger un morceau et... sans doute faire un don à l'école. On a gardé l'adresse pour envoyer quelques photos.

newlook Forte de son nouveau look du terroir, Annick m'a emmené souper dans un petit comptoir exclusivement fréquenté par les locals. Bonne chose pour le portefeuille car notre budget va s'épuisant plus vite que prévu en raison des prix étonnamment plus élevés qu'au Laos ou qu'au Vietnam, alors que le pays est plus pauvre. Voyager au Myanmar pose un problème de liquidité: on n'y trouve aucun guichet bancaire, les chèques de voyage ne sont pas acceptés, et l'usage des cartes de crédit y est rarissime (vu dans un seul commerce, de laques, en une semaine). Depuis le coup d'état militaire, des banques ont fermé et les gens ont tout perdu; la confiance n'y est plus, et chacun garde son argent chez soi. Visa et Master Card ne doivent guère être plus rassurés et ne semblent pas se battre pour faire des affaire ici. Tout se paie donc comptant, en dollars ou en kyats, et il faut arriver dans le pays avec tout ce qu'on compte dépenser durant le séjour prévu. Un touriste danois résumait sa situation à une vendeuse de souvenirs: No more money, no more space, no more time! Heureusement que le vol est peu fréquent au Myanmar car se promener avec 1500 U$ sur soi a quelque chose d'inquiétant. Notre budget d'achats est donc plus limité ici, mais après avoir plusieurs fois observé la façon de nouer les longyi sans faire de noeud (donc à répéter souvent) je m'en suis tout de même procuré quelques-uns, que j'utiliserai comme pyjama, mais que je compte bien porter au travail le 4 septembre prochain si le temps le permet.

Nous avons volé ce midi vers Ngapali, la station balnéaire la plus cotée du Myanmar. Quand nous avons su qu'il existait des vols Bagan-Ngapali (au lieu de 17 heures de bus sur route de montagne), nous avons contacté une agence de voyages locale se vantant de posséder des bureaux dans trois villes du pays. Mais à la fin de la journée, les filles au comptoir étaient incapables de trouver les quelques mots d'anglais nécessaires pour nous dire si oui ou non elles avaient pu nous trouver des places. Il a fallu qu'un gars se ramène pour nous expliquer qu'on était sur une liste d'attente. On a laissé tomber, résignés à se réserver un bus de retour vers Yangon (7 heures) pour ensuite peut-être aller à la plage de Ngwesaung, 6 heures plus loin, mais notre hôtelière, apparemment plus débrouillarde, s'est mise en frais de nous obtenir des billets, et a réussi. Nous reviendrons à Yangon par avion le 26, à temps pour notre vol vers Bangkok du lendemain. D'ici-là, nous uniformiserons notre bronzage tout en se trempant dans le golfe du Bengale. Mais ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas très plage, et que je m'y ennuie rapidement. L'idée n'est pas de moi, mais d'Annick, et je ne fais que l'accompagner. Je céderais volontiers ma place à ma belle-soeur Suzy pour aller sufer avec mon beauf', ne fut-ce qu'à Bromont. Vous êtes donc en droit de me plaindre ;)

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16 février 2007

Surprises birmanes

Partant pour deux semaines à 30-35°C au Myanmar, Annick et moi avons choisi de regrouper nos effets en un seul sac à dos, laissant à Bangkok les vêtements chauds et les achats. Mauvaise surprise la veille du départ: notre hôtel n'offre plus d'entreposage, ayant converti son rangement en toilette pour accommoder sa nouvelle salle à manger. Nous avons dû nous retourner rapidement pour trouver ailleurs, à trois plus cher (1 U$ par jour par sac), et cette fois pour deux sacs.

L'aéroport de Bangkok offre une salle de prière aux Musulmans, mais je n'ai pu obtenir l'accommodement raisonnable d'accéder au salon VIP de Bangkok Airways pour y brancher mon portable, et j'ai dû me contenter de tirer mon fil en travers d'un passage heureusement peu fréquenté. Je n'ai plus le choix: ma batterie ne dure plus que cinq minutes avant de rendre l'âme. En outre, je voulais la garder aussi chargée que possible pour le cas où je devrais allumer mon PC pour en faire voir le contenu au douanier et lui montrer que je ne suis pas un journaliste, mais un simple touriste et développeur de logiciel gratuit à ses heures. Le Myanmar vit sous un régime totalitaire militaire depuis plus de 20 ans et les journalistes n'y sont pas les bienvenus; certains d'entre eux s'étant déjà fait confisquer leur ordinateur (mais remis à la sortie), je le craignais aussi, alors que j'ai ce blogue à écrire, une conférence et une livraison d'Auriga à préparer. La pénalité pour une omission dans la déclaration des objets sujets à taxation étant de trois fois la valeur de l'objet, j'ai tout de même inscrit le portable sur la liste et pris le Red Channel. Soulagement, je suis passé plus vite qu'Annick qui avait pris la sortie Nothing to declare, le douanier ayant rapidement regardé mon formulaire et laissé entendre que je n'avais pas à déclarer ça. Ouf! Nous avons dépassé le comptoir de change "officiel" où une dame installée à une table à côté des toilettes échange les kyats de son sac plastique au taux de 450 pour 1 U$, sachant que partout en ville on en offre plutôt 1200-1300. Le plus gros billet vaut 1000 kyats (80 ¢), et quand on change un billet de 100 U$ (on a un meilleur taux sur les gros billets), on reçoit une liasse de 100 billets déjà comptés plus une vingtaine d'autres. Ça vous gonfle une poche ventrale, plus tellement secrète! Les Birmans sont très pointilleux sur le bon état des billets US, qu'ils exigent impeccables et sans plis, mais les kyats qu'ils nous rendent en monnaie sont souvent de vieux chiffons fatigués. On donne et reçoit l'argent de la main droite, le bras gauche plié et maintenu à l'horizontale sur la poitrine, la main gauche sous le bras droit. Mais pareil décorum n'empêche pas de se fouiller le nez en public ni de cracher par terre. Si on éructe moins qu'ailleurs, on crache beaucoup et abondamment ici, surtout le jus rouge provoqué par la noix de bétel, que les hommes mâchent, moines compris, comme ailleurs on chique le tabac et qui rend les dents rouge sombre. La dose, enrobée avec du tabac et des aromates dans une feuille verte badigeonnée de chaux, se vend à l'unité à de petits comptoirs sur la rue. On la place dans la bouche tel quel, feuille comprise.

Le Myanmar, rebaptisé ainsi par les militaires pour effacer toute trace de l'époque coloniale, était autrefois la Birmanie, une colonie britannique rattachée à l'Inde. Les citoyens indiens ont dû quitter le pays lors du coup d'état, mais la population demeure un mélange d'individus de type indien (yeux ronds, peau foncée et barbe forte) ou asiatique (yeux bridés, peau claire ou basanée et imberbe). chaosyangon À Yangon (autrefois Rangoon), s'ajoutant à cela le désordre urbain, les trottoirs en dalles de ciment défoncées au-dessus des égouts, le bruit la poussière et l'odeur mélangée d'égout, d'ordures et d'épices, on se croirait à Delhi (Inde), si ce n'était l'absence de vaches dans les rues. Sur les trottoirs, les génératrices privées ronronnent, crachant leur fumée diesel pour compenser les fréquentes pannes d'électricité. Deux autres détails tranchent cependant avec l'Inde: le maquillage des femmes et l'habillement des hommes. joues J'avais bien aperçu sur les joues de la répartitrice de taxis ce qui m'avait semblé deux carrés de sparadrap, j'ai su plus tard que c'était plutôt une couche de tannaka, sorte de coulis à base d'une écorce d'arbre, qui orne les joues de huit femmes sur dix. Selon qu'il est utilisé comme ornement, écran solaire ou régulateur de l'hypertension, les femmes se découpent finement de petits carrés sur les pommettes, ou se l'appliquent comme au rouleau, couvrant toute la joue, voire le cou et les oreilles, et un peu les bras. Les femmes ici fuient le soleil et s'en protègent le visage avec leur cartable ou leur sac à main lorsqu'elles traversent la rue, mais dans le cas du tannaka, le remède me semble pire que le mal. Quelques hommes sont aussi badigeonnés de blanc, ainsi que la plupart des enfants, qui eux le portent presque comme un masque d'Halloween, avec des marques opaques sur le nez et les pommettes. longyi Beaucoup de femmes portent une jupe longue drapée autour de la taille, tandis que la quasi totalité des hommes (sauf quelques ados rebelles) portent le longyi, une jupe longue tubulaire en tissu à carreaux fins d'un mètre de diamètre repliée et nouée à l'avant. Lorsqu'ils jouent au aki ou au volleyball, ils replient l'arrière vers l'avant, obtenant un short de style pagne. Il semble que les Birmanes aient atteint l'égalité suprême (...) par l'absurde: les hommes doivent s'accroupir pour pisser! Autre pays, autre graphie, l'écriture birmane ressemble à occo8:lo]. La majorité de la population est bouddhiste, mais comporte aussi des hindouistes avec une tikka dans le front et du henné dans la barbe, et des musulmans, remarquables par la longue barbe et le bonnet copte en filet blanc chez les hommes et le foulard qui couvre la tête des femmes.

Pressée d'aller trouver un transport vers Mandalay pour le lendemain, Annick a choisi d'accepter rapidement la première chambre venue dans ce qui était tout de même un hôtel chaudement recommandé dans les forums Internet sur le voyage. Nous nous sommes donc retrouvés dans un champignonnière sans fenêtre, basse, sombre et humide à sentir la moisissure, avec un immense bac de charbon de bois aperçu sous le lit, sans doute destiné à absorber un peu de cette humidité. Il faut cependant avouer que le buffet de déjeuner (le lendemain) était exceptionnel, et c'est probablement tout ce qu'avaient retenu les voyageurs au moment d'écrire leur recommandation. Vu l'heure tardive, notre hôtelière disait ne pouvoir trouver que des places sur la banquette arrière pour un bus le lendemain. Nous sommes donc allés nous-mêmes faire le tour des compagnies de bus autour de la gare ferroviaire pour finalement trouver des places au milieu d'un bus, différence appréciable quand on sait comment ça saute sur les routes défoncées du Tiers-monde (ou du Québec). Sur le chemin de retour à l'hôtel, nous en avons visité quelques autres pour notre retour à Yangon. Puis nous avons eu notre souper de Saint-Valentin autour d'une assiette de nouilles aux fruits de mer. portyangon Le lendemain, sous le chaud soleil de midi, nous sommes allés observer le déchargement manuel des bateaux sur la rivière Yangon chatsacre puis visité une pagode dorée installée sur la rive et abritant une relique de huit cheveux du Bouddha (dont deux avaient été saisis par les autorités du port à titre d'impôt sur le bateau à son retour d'Inde!). tombola Mêlant religion et jeu d'adresse, un des édifices du complexe offre une table tournante ornée d'urnes dans lesquelles les fidèles tentent de faire atterrir des billets pliés, un peu comme ces bols en plastique à La Ronde, où mon frère Marc a déjà dépensé 7 $ en pièces de 10 ¢ pour un plat à chips violet!

Le terminal de bus de Yangon, situé quelques kilomètres au nord de la ville, est une ville en soi, avec ses rues couvrant un kilomètre carré, ses arrêts de bus et toutes sortes de services (restos, emballeurs, coiffeurs, etc.). Il est facile de s'y perdre, et notre chauffeur a dû demander à de nombreuses reprises l'emplacement de notre compagnie, libellée uniquement en birman. Notre bus de nuit s'avérait moins luxueux que le coach aperçu en photo, surtout lorsque les strapontins de l'allée centrale ont tous été comblés! Nous avons eu droit aux DVD de karaoke des chansons d'Elvis (époque Jailhouse rock) en birman avant un arrêt-souper vers 18:30. Retour au karaoke puis extinction des feux vers 22:00, mais arrêt-toilette à minuit, puis film de Jackie Chan (vu bien des fois en bus) jusqu'à 2:30, puis nouvel arrêt vers 4:30, cette fois pour une toilette intégrale pour plusieurs, avec ablutions et brossage de dents intensifs, puis karaoke birman (mais personne ne chante, ça se regarde comme un vidéo-clip) crevaison puis arrêt-crevaison avant de finalement arriver vers 8:30. Certains voyageurs choisissent volontairement les bus de nuit pour économiser sur l'hôtel; l'idée serait juste si on nous laissait dormir. Là nous étions plutôt las, et manquions un peu d'entrain pour aller affronter les 35°C à l'ombre et visiter cette ancienne capitale de l'empire birman. Mais après une bonne sieste, nous avons repris notre bâton de touriste. Absentes de la capitale, les motos, et surtout les vélos sont légion à Mandalay. J'espérais louer un vélo avec coussin sur le porte-bagages arrière et ainsi prendre Annick en passagère, comme tout le monde fait ici, mais le gars n'a pas voulu, il devait trouver les Occidentaux trop lourds (ou trop riches) pour un seul vélo, alors nous avons pris deux vélos et visité le Mahamuni Paya, le plus fameux temple de Mandalay, guidés par un moine dont la cupidité retardera assurément l'arrivée au nirvana! On roule à droite au Myanmar, mais les véhicules sont à conduite à droite, sans doute importés de Thaïlande. Tout le monde nous a dit que nous allions adorer le Myanmar et sa population; les gens sont effectivement très souriants et gentils, mais si nous nous avons été beaucoup transportés jusqu'à présent, nous restons à conquérir.

11 février 2007

Luang Prabang

Nous avons attendu le matin-même pour voir si la douleur à la tête serait trop forte avant de décider si nous poursuivions vers Luang Prabang tel que prévu. Je dois avoir la tête dure car je n'ai jamais eu à prendre les anti-douleur fournis. Nous avons donc sauté dans un minibus pour cinq heures de trajet en montagne.

paille Le terrain plat y est si rare que les maisons en paille sont installées à trois mètres en bordure de la route, l'arrière souvent soutenu par des pilotis. Quelques maisons sont en planches brutes, d'un bois qui ressemble à du teck, mais qui doit se vendre moins cher que le pin chez nous.

De taille comparable et aussi touristique que Vang Vieng, Luang Prabang est plus chic, ses attraits étant davantage artistiques et culturels qu'axés sur la défonce. Ville du Patrimoine mondial de l'UNESCO, les prix y sont plus élevés, et nous avons dû nous rendre à l'évidence que 15 U$ constituait le prix standard pour une chambre correcte (contre 7 à Vang Vieng). Ici on négocie souvent les prix en dollars, et au moment de payer, on sort des dollars ou on multiplie par 10 000 pour régler en kips.

templelpNous avons commencé notre visite par un circuit de marche passant par des temples anciens,

verrejaponaisaux murs décorés de verre dit "japonais"

enluminureset aux surprenantes enluminures.



floating Nous avons terminé avec le musée du Palais royal, où se tenaient deux expositions de photos.



Le lendemain matin, nous levant tôt, nous avons vu passer vers 6:40 au coin de notre rue la procession des moines procession recueillant chaque matin les aumônes, la plupart du temps des boulettes de riz gluant que les gens déposent dans l'urne de chacun. On se dit que ça ferait moins de manipulation et de transmission de microbes si tout le pot était donné directement au temple, mais les gens semblent préférer donner un peu à chacun, qu'on suppose mis en commun ensuite. On a pensé donner un muffin aux bananes, mais on craignait de semer la zizanie parmi les novices blasés de l'ordinaire! Après déjeuner, nous avons joint un tour en bateau de deux heures sur le Mekong pour aller voir Pak Ou Cave, la "Grotte aux mille Bouddhas". pakou1 D'intérêt spéléologique limité, la grotte est une salle d'entrée verticale dans laquelle 4 000 Bouddhas de bois, d'argile et de bronze
pakou2 ont été déposés au fil des siècles par les dévots. Une seconde grotte inférieure possède une galerie rectiligne de 50 m se terminant par un autel installé dans la pénombre. Il y a bien quelques amorces de galeries latérales, mais celles-ci sont toutes marquées "Keep Off!".

De retour en ville, nous sommes montés au sommet du mont Phou Si - version locale du Mont-Royal, mais avec une stupa bouddhiste au lieu de l'Oratoire - pour assister au coucher du soleil avant de redescendre parcourir le marché nocturne, luangprabang constitué d'étals installés chaque après-midi sur la rue principale. Les tissages vendus à prix d'aubaine ne manquent pas, et nous y avons acheté housse de couette, tissus pour des coussins, écharpes, t-shirts, sac à main, etc.

Nous avions prévu une journée de vélo aux cascades de Kuang Xi, mais le temps brumeux (ponctué de cinq minutes de pluie!) nous a plutôt incité à se louer un vélo de ville (1 U$) pour parcourir la rive opposée de la rivière Nam Tham puis faire vérifier mon pansement à l'hôpital chinois, que nous n'avons jamais trouvé bien qu'un panneau le signalait à 1400 m, personne n'ayant jamais pu nous renseigner. On a passé notre temps à remettre en place la chaîne de vélo qui, trop longue, quittait son pignon au moindre sursaut, au point qu'on gardait un petit bout de branche dans le panier en guise d'outil. On l'a montré à la dame en le rapportant, mais elle s'en fichait, comme à chaque fois qu'on signale quelque chose qui cloche. L'entretien, préventif ou curatif, n'est pas dans les moeurs locales.

Samedi matin, nous sommes allés à Tat Kuang Xi, la plus grosse des cascades de la région, située 34 km à l'ouest, et qu'on atteint simplement en continuant la rue principale. Aux tours en tuk-tuk à 3 US, nous avons préféré le vélo; nous aurions pu choisir celle de Tad Tse, à seulement 13 km, mais située le long de la route 13 qui nous avait amenés de Vang Vieng, la circulation y aurait été trop lourde. Et puis, un peu d'exercice ne fait pas de tort! Nous avons donc loué deux vélos de montagne (5 U$). En dépit d'un bon choix de Trek en aluminium, la séance d'essayage a été longue, tenant de trouver un vélo dont le pédalier, le dérailleur et les freins étaient pleinement fonctionnels. Malgré tout, 2 km plus loin, la pédale gauche du Turbo Shimano-equipped d'Annick commençait à se dévisser. J'ai voulu retourner 300 m en arrière au marché de Phou Si acheter un outil, mais un atelier de mécanique moto croisé plus tôt nous l'a gentiment revissée. Hélas, 5 km plus loin, cette fois en rase campagne, c'était à recommencer. J'ai donc fait un aller-retour d'une demi-heure pour redescendre au marché et acheter une clé de 12 mm. (2.50 U$ - le gars me voyait venir avec ma pièce dans la main!). Mais même serré à fond, le boulon, qui ne semblait pas la pièce idoine, se dévissait aux 5 km, jusqu'à ce que son filetage soit complètement disparu. À un moment donné, Annick a même perdu sa pédale, heureusement sans dommage. Je l'avais mise en garde de faire attention si ça devait se produire, sous peine de se retrouver le pied à terre et la gueule dans le guidon, fe qui peut être fatal four les infivives! On a bricolé un peu, et en limitant la pression côté gauche et en montant les (nombreuses) côtes à pied, Annick a pu atteindre le parc des chutes sur deux roues. kuangxi Le site est une enfilade de cascades et de bassins de tuf (calcaire) étagés sur une centaine de mètres de dénivelé. Après s'être fait monter la température par une montée plutôt raide au-dessus de la chute amont, nous sommes redescendus nous baigner dans le premier bassin, hélas sans pouvoir me mettre la tête dans l'eau pour cause de pansement. Annick s'est négocié un retour à la ville en tuk-tuk (4 U$) tandis que je suis rentré en pédalant aussi vite que je pouvais, tapant dans la main des enfants des villages qui la tendaient au passage en me saluant joyeusement. Annick ayant dû attendre son départ, nous sommes arrivés en ville presque en même temps. De passage à l'hôtel, nous avons aperçu Nancy, Frédo et Jean-Sébastien qui s'y enregistraient, renseignés sur la place par nos courriels antérieurs. Quelques shakes aux fruits plus tard, nous avons parcouru le marché nocturne jusqu'à satiété. C'était notre second souper d'adieux, nous les reverrons peut-être à Tokyo en mars.

Nous avons quitté le Laos en volant ce midi à Bangkok, plaque tournante à la fois du transport aérien en Asie et de notre propre itinéraire. tarmac Nous avons été surpris par les lourds embouteillages de ce dimanche après-midi, apparemment dus au traffic s'engouffrant dans les stationnements souterrains des centres commerciaux, pour un dernier blitz de magasinage avant le Têt, le Nouvel An chinois déterminé selon le cycle lunaire et survenant cette année le 18 février. La foule nombreuse passe les bras chargés de paquets. N'ayant pu avoir une première nuit à notre hôtel habituel (où nous avons entreposé du bagage), nous nous sommes rabattus sur un établissement voisin où la chambre est si petite qu'on ne circule autour du lit que sur deux côtés, dans un passage tout juste la largeur du sac à dos; un avant-goût du Japon! Nous reprenons l'avion mercredi et passerons donc la Saint-Valentin à Yangon (aussi écrit Rangoon) au Myanmar (Birmanie), où, selon l'agence de voyages locale, nous ne devrions pas avoir de difficulté à trouver une place au restaurant...

5 février 2007

Spéléo "avec pas de casque" à Vang Vieng

Le tuk-tuk qui devait nous prendre à notre hôtel de Vientiane à 9:30 pour le car de 10:00 n'est finalement passé qu'à 10:00. Pas grave, au Laos, on sait attendre. Cinq heures plus tard, nous arrivions à Vang Vieng, où après avoir cherché un hôtel tranquille loin du centre réputé bruyant, nous sommes finalement revenus là où nous avait laissé le car. Mais le Lonely Planet avait raison, le centre est bruyant, surtout en raison des nombreux restos et bars où s'ennivrent les touristes jusqu'à tard la nuit. Vang Vieng semble être à la fois la capitale laotienne de la spéléo et de la décadence. D'un côté, les pitons calcaires environnants recèlent la majorité des grottes du pays, de l'autre, cette petite ville de 25 000 habitants qui vit par et pour le tourisme a introduit le concept du resto-télé, où les chaises sont remplacées par des couchettes faisant face à l'écran d'une télé grand format, voire de cinéma (petit format) avec programmation affichée à l'extérieur.. resto-tele On ne sait pas exactement quelle impression font sur les Laotiens tous ces touristes qui passent la journée allongés à regarder des épisodes de soap tels Friends ou Seinfeld, mais ça ne doit pas beaucoup les édifier. Le soir, les télés jouent à tue-tête, et on entend souvent plus d'une émission à la fois. Nous fuyons ces restos, tant pour le son, que pour éviter d'encourager pareille décadence, d'autant plus surprenante que la campagne environnante offre un grand choix d'excursions à vélo, en kayak ou dans les grottes.

Nous craignions de devoir nous inscrire à des éco-tours guidés pour profiter des paysages naturels, mais en fin de compte, il a suffi de s'acheter une carte de la région (1,50 U$) et de louer des vélos tout-terrain (2,50 U$ par jour avec suspension intégrale) pour aller faire de la spéléo! Le matin juste avant de partir, une jeune Australienne s'est jointe à nous, ses trois copains restant au resto à regarder la télé. Après 6 km sur une route de terre, nous sommes arrivés à Poukham Cave. Nous avons payé le stationnement à vélos (10¢ chacun) et l'accès à la grotte (1 U$), loué un éclairage pour Melissa (1 U$) melissa puis enfilé nos frontales LED desquelles nous ne nous séparons jamais. Au gars qui se proposait pour nous guider en nous avertissant que c'était big and dark, j'ai répondu que j'étais big and bright! grimpe Après une courte grimpe sur le calcaire lapiazé, nous avons atteint l'entrée perchée dans la paroi du piton calcaire. La salle d'entrée était immense, poukham avec un plafond haut d'au moins 20 m. Une fois dépassé l'inévitable reclining Bouddha, nous avons rejoint une vaste galerie très concrétionnée qui nous a éventuellement mené à ce qui nous a semblé être le fond. On apercevait le jour de l'entrée presque jusqu'au fond, mais n'ayant sans doute pas su me faire assez rassurant en répondant à la question Can we get lost?, Melissa, qui ne se sentait pas très à l'aise, nous a quittés avant même cette zone de pénombre. Annick m'a dit que la prochaine fois que je recrutais une jeune, je ferais mieux de la prendre plus rapide (à vélo) et pas peureuse! Avec sa camisole légère, elle m'avait pourtant parue pas farouche et en superbe forme.

Notre amie a préféré aller retrouver sa gang, tandis que nous sommes restés à dîner au petit resto installé au bord du sentier. Voyant arriver des spéléos dûment casqués et équipés, je suis aller leur causer. Il s'agissait d'une expédition française au Laos qui pour sa première journée, allait repérer le fond de cette grotte. Nous avions prévu d'aller visiter en après-midi les autres petites grottes annoncées en chemin, mais selon Gabriel, Poukham était de loin la plus intéressante. Nous sommes donc retournés avec eux, profitant de leur éclairage acétylène pour mieux voir les immenses galeries. Cependant il semble que nous en avions précédemment atteint le véritable fond, à 400 m de l'entrée. En redescendant, nous sommes allés voir la résurgence, une rivière souterraine qui se remonte sur quelques centaines de mètres avant de siphonner.

Nous avons loué les mêmes vélos le lendemain, cette fois pour aller visiter des grottes à 13 km au nord de la ville. Même si on doit payer pour y accéder, aucune grotte ici n'est aménagée, mais on loue ou prête un éclairage à piles. Après un arrêt à la grotte-pagode thampagode de l'Éléphant, où nous avons aperçu une sirène allaitant, allaitant nous avons traversé les rizières en friche pour atteindre Tham Hoi, thamhoi une longue galerie concrétionnée qui atteindrait 3 km de développement. Nous avons parcouru un tiers de cette distance, après, il aurait fallu continuer sur les genoux, pas tentant en short. Nous avons plutôt poursuivi le sentier jusqu'à Tham Loup, thamloup une série de salles très concrétionnées, gours puis nous sommes redescendus au niveau du ruisseau pour visiter Tham Nam, une rivière souterraine qu'on parcourt assis sur une chambre thamnam à air de voiture en se tractant sur une corde fixée au plafond. Au bout du circuit, il n'y avait pas plus de 20 cm d'eau, et j'ai décidé de poursuivre à pied pour remonter la galerie sur quelques dizaines de mètres en direction de l'écoulement d'eau, espérant apercevoir un siphon ou une cascade remontante. Mais quand ma tête a heurté une arête rocheuse au plafond et que j'ai senti le calcaire me râper l'os et le sang me pisser abondamment dans le visage, j'ai cru m'être fendu l'occiput et donc choisi de ressortir immédiatement avant de m'évanouir. En fait, je ne m'étais que déchiré le cuir chevelu sur 2 cm, et j'ai pu pédaler jusqu'à l'hôpital de Vang Vieng, où une infirmière visiblement douée pour manger avec ses baguettes m'a fait trois points de suture en maniant ses pinces avec beaucoup de talent. Au prix de l'opération (13 U$, médicaments compris), j'ai envisagé de me faire refaire le nez, mais leur anglais était trop rudimentaire pour qu'on puisse s'entendre sur le résultat attendu (mon laotien n'est guère mieux, je sais saluer, remercier, et compter jusqu'à dix, cent et mille). hopital J'ai maintenant un bout de gaze qui me fait une petite catin façon fillette sur la tête, et des antibiotiques à prendre pour cinq jours. Avec l'interdiction de me laver la tête pour une semaine, il se pourrait que je ressemble à Bob Marley sur mes prochaines photos...

2 février 2007

Laos: méchants contrastes!

Vientiane

Nous n'avions aucune presse, mais notre chauffeur de taxi nous a menés à l'aéroport d'Hanoï en une demi-heure au lieu des 45' habituelles! Il devait être conducteur d'ambulance dans une vie antérieure. Par contraste, le taxi qui nous a ramenés de l'aéroport de Vientiane (capitale du Laos) roulait en 4e à 30 km/h! Le reste du Laos semble à l'avenant, les gens étant relaxes, pas insistants, pas embêtants, peu portés sur le klaxon et respectent les feux rouges. À la décharge d'Hanoï, soulignons que la capitale du Vietnam compte 3,5 millions d'habitants, contre 201 000 pour celle du Laos.

On ne sait pas ce qui nous a valu cela, mais à 42 U$, le visa pour les Canadiens est le plus cher de tous, les Français et les Américains payant respectivement 30 U$ et 35 U$.

iledesable Notre arrivée au Laos constitue également notre retour au beau temps, après un mois plutôt gris au Vietnam. Nous avons retrouvé le soleil permanent et le temps sec, si sec que le Mekong est à son plus bas, une île de sable s'en dégage au milieu, la veine principale se concentrant plutôt le long de la Thaïlande, qu'on aperçoit de l'autre côté. Avec pareil temps sec, l'air est très poussiéreux en raison de tous les trottoirs et égouts en réfection et des nombreux tas de sable de construction disposés en bordure des rues.

Il y a peu d'attraits touristiques à Vientiane, mais la ville étant agréable, nous y avons passé quatre jours, notamment pour lire et écrire. Nous y avons tout de même visité le marché matinal, un musée du bouddhisme, l'Arc de triomphe, phathatluang le Pha That Luang (le plus important monument national, symbole du bouddhisme et de la souveraineté laotienne) et le musée national. Nous avons visité quelques-uns des très nombreux et grands temples bouddhistes de Vientiane. moines Ils sont si nombreux qu'on transporte les moines par camion. Le balcon de notre chambre fait d'ailleurs face à l'un de ces temples. Vers 5:30 commence le tambour, puis les gongs, les cloches, la flûte, les psaumes et enfin le prêche sur haut-parleur. Nous attendons un retour de courriel de Julius Grey pour négocier un accommodement raisonnable qui respecterait nos (in)croyances et notre sommeil...

Chaque fois que je rentre à l'hôtel, un conducteur de tuk-tuk me propose Something?, bien que l'usage des drogues soit sévèrement réprimé au Laos. Ma réponse varie entre More spare time et Peace on Earth.

velovientiane Hier nous avons loué des vélos de montagne - 3 U$, soit trois fois plus chers que les modèles droits, mais disposant de vitesses et permettant d'aller plus vite - et roulé 24 km sur une route poussiéreuse pour atteindre buddhapark le Buddha Park, un parc de sculptures assez inhabituelles, dont une Terre à plusieurs niveaux représentant le ciel, la terre et l'enfer sous-jacent, avec ses bourreaux torturant les pécheurs. statues

Sur le chemin du retour, nous sommes arrêtés à l'usine Beerlao, la brasserie nationale qui affichait Welcome et proposait des visites. Ladite visite "guidée" commençait par une bière qu'on nous servait au jardin, ensuite la guide nous a promenés sans un mot et sans s'arrêter à travers la salle d'embouteillage. De retour à l'entrée, elle nous a fait un beau sourire et annoncé que la visite était terminée. On aura su qu'elle s'appelait Wan, rien d'autre.

Aujourd'hui nous avons loué des vélos droits pour des visites en ville, avant d'aller souper de grillades dans une des gargotes en plein air installées le long du Mekong. Nous prenons le bus pour Vang Vieng demain matin.

28 janvier 2007

Tam biêt Viêt Nam!

Hanoï

Nous sommes arrivés a Hanoï à 7:00 après une mauvaise nuit dans le car. L'hôtel pressenti par Frédo étant plein, et trop cher pour notre budget (30 U$), nous avons accepté le taxi vers sa succursale à prix modique, mais la chambre ne nous emballait pas, surtout qu'on devait y passer presque une semaine. Les gars sont donc restés avec les bagages dans le hall du Sinh Café voisin (l'agence de voyages qui opérait notre car), tandis que les filles sont parties à la chasse à la chambre, d'autant plus ardue qu'il était trop tôt pour les chambres qui se libèrent le jour-même. Les voyant revenir un peu dépitées du peu qu'elles avaient trouvé, Frédo et moi sommes allés repérer quelques suggestions du Lonely Planet, pour finalement conclure que l'hôtel voisin (10 U$) n'était pas si mal. Ce n'est donc que vers 8:30 que nous avons finalement pu faire une sieste avant d'aller se promener en ville. Les rues étroites sont denses de commerces, de motos, de cyclos et de passants. On circule tant bien que mal, alternant entre la rue et le trottoir, lorsque celui-ci ne sert pas de stationnement à motos ou d'atelier. Nous habitons le vieux quartier au nord du lac, là où 36 métiers traditionnels donnent leur nom aux rues, chacune ayant sa spécialité. hottes À proximité, ce sont les serruriers et les ferblantiers, dont le pliage de la tôle des hottes de cuisine se fait sur le trottoir, avec un marteau et un coin en métal. forge Il s'y forge même du fer à chaud, juste à côté d'un magasin de vêtements pour dames! En soirée, nous avons assisté au spectacle des marionnettes sur eau Thâng Long, des personnages en bois s'agitant dans une piscine, adroitement animés au bout d'une tige par des manipulateurs (eux aussi dans l'eau) situés derrière un rideau. Le spectacle d'une heure présente une série de légendes et de sketches naïfs très colorés et très vivants au son d'un orchestre. Le lendemain nous avons fait des courses et visité le Musée des femmes, qui raconte en photos et en objets leur contribution durant la guerre. Leur mine réjouie lorsqu'elles portaient à manger aux soldats sur le front a de quoi surprendre.

tamcoc Le lendemain (19), nous faisions une excursion d'une journée aux "grottes" de Tam Coc, des pitons calcaires au milieu des champs de riz parcourus par une rivière où des dames nous promenaient en canot par groupe de deux. Au retour, pendant que l'une ramait, l'autre ouvrait un coffre et nous déballait broderies, nappes, écharpes... Des canots de ravitaillement se tenaient à l'affût, de connivence avec les rameuses, pour nous proposer grignotines et boissons, pour nous ou notre guide 'vely tired'

mausolee Le lendemain, nous nous levions tôt pour aller voir l'Oncle Ho (Ho Chi Minh), momifié dans un sarcophage de verre (transparent) installé dans un mausolée d'un bon kilomètre carré réalisé à l'encontre de ses dernières volontés. Le corps doit être retourné chaque année à Moscou pour 3 mois de traitements, sans doute similaires à ceux que reçoit la dépouille de Lénine. En après-midi, nous parcourions longuement le fascinant musée d'ethnologie

Sa Pa

Nous sommes allés faire un tour à Sa Pa, une région agricole du nord réputée pour ses paysages de rizières en terrasses. L'organisation des divers segments du transport requis étant laborieuse, et sans doute aussi coûteuse, nous avons opté pour un tour organisé. Partis par le train de nuit (avec couchette en compartiment de quatre), nous étions ensuite transportés en car de Lao Cai à Sa Pa, avant d'être cueillis par notre guide de randonnée. La bonne surprise: Annick et moi étions seuls avec lui. La mauvaise: le bruine et l'humidité des jours précédents ont détrempé le terrain et on patauge dans la boue argileuse, bien grasse et très collante. Notre guide portait des bottes de caoutchouc empruntées à un ami, mais n'avait pas eu la bonne idée de nous suggérer de s'en acheter durant l'heure où nous attendions qu'il obtienne le permis de randonnée. Par conséquent, nous avons traîné nos chaussures engluées de boue durant deux jours, devant marcher sur les murets étroits et glissants des rizières, alors que notre guide marchait directement dans le bassin d'eau, se rinçant même les bottes lorsqu'il traversait un ruisseau. brouillard Le paysage était joli, et sans doute grandiose lorsque le temps est favorable, mais à cette saison, le brouillard très fréquent ne permet pas de voir très loin et affadit les couleurs. Nous nous sommes arrêtés le soir pour dormir au village de Lao Chai chez des Hmong, une ethnie locale. La maison où nous logions avec un couple d'Autrichiens était luxueuse selon les standards locaux, dotée d'un plancher en ciment, d'un haut plafond et d'une mezzanine pouvant accueillir 15 touristes. Il faisait frais et humide, mais les lourdes couvertures ne manquaient pas, et nous ne nous sommes pas privés d'utiliser celles des lits voisins, inoccupés. Au matin, nous déjeunions aux crêpes au miel, cuites d'une main de maître à la poêle sur feu de bois par le fils de la famille (en fait, quatre générations s'y côtoient). Nous mangions dehors sur la terrasse, sous le regard de six dames en costume traditionnel (qu'elles portent toutes) installées sur le muret et nous proposant leurs travaux de broderie. sapa Le groupe nous a suivi toute la matinée, se trouvant souvent sur le seul petit bout de terrain plat où nous tentions de poser le pied pour freiner la glissade. Vers midi, elles nous demandaient de leur acheter quelque chose, car, après tout, elles nous avaient suivi tout ce temps... Ça nous semblait plutôt un contre-argument! Nous avons rapidement visité une maison au plancher de terre et à l'aménagement minimal, mais notre intérêt pour la région résidait davantage dans ses paysages, notre curiosité ethnologique étant plutôt limitée, d'autant que nous tendons à éviter ces endroits où les touristes sont débarqués en masse pour aller observer le "mode de vie traditionnel" d'une ethnie (dite hill tribe). On a plutôt l'impression de voir des gens qui ont adapté leurs coutumes, horaires et artisanat aux goûts et intérêts des touristes, le tout piloté par l'ethnie dominante du pays (ici les Viets). Pas facile le tourisme responsable. Faut-il rester chez soi pour éviter de transformer les pays visités? La randonnée s'est terminée en après-midi, et nous étions heureux d'avoir choisi un tour de deux jours: des Québécois rencontrés à l'hôtel ou nous attendions le car de retour au train avaient étiré leur séjour à quatre jours; ils étaient maintenant coincés à l'hôtel par la brume et la bruine en attendant leur train.

La baie de Ha Long

Notre second passage à Hanoï était de courte durée: nous repartions le lendemain vers la baie de Ha Long, cette fois avec Frédo, Nancy et Jean-Sébastien, un ami de Montréal qui les avait rejoint pour trois semaines de voyage. S'ouvrant sur la mer de Chine au sud-est de Hanoï, la baie de Ha Long est en fait un immense karst à pitons de 1500 km2, c'est-à-dire un ancien plateau calcaire où la dissolution a fait son œuvre, ne laissant que des pitons rocheux isolés, maintenant baignés par la mer. jonque Après trois heures de car, nous nous sommes embarqués à Ha Long City sur une jonque, un long bateau de bois lambrissé pouvant loger 16 personnes, mais où nous n'étions que six, seule une Australienne s'ajoutant à notre groupe de cinq. grottehl Après quelques heures de navigation au milieu des pitons rocheux, nous visitions une immense grotte dans l'un d'eux, avant de mettre les kayaks à l'eau pour deux heures de pagaie. halong3 Le soir, notre bateau s'ancrait pour la nuit dans une crique peuplée de jonques. Après une nuit fort tranquille, nous avons rejoint une plus petite embarcation pour aller accoster à l'île de Cat Ba et y randonner. Retournés en mer, nous faisions de nouveau du kayak parmi les pitons calcaires, avant de rentrer dormir dans un l'hôtel trois étoiles à Cat Ba. Notre tour aurait dû s'arrêter le lendemain, mais nous avions choisi de prolonger d'une journée à Cat Ba, ce qui nous a permis de louer des vélos (pour Annick et moi) ou des motos, et de faire une randonnée de 40 km sur la côte sud de l'île, toute en montées et en descentes. Le vélo permettait de s'arrêter rapidement n'importe où pour aller inspecter les nombreuses entrées de grottes qui s'ouvrent au bord de la route. Nous sommes rentrés en car à Hanoï hier après-midi. Nos routes se séparant ici (nos trois amis vont vers Sa Pa), nous nous sommes payés un souper d'adieux au Cyclo; au menu de ce resto français réputé: pétoncles, canard, foie et tournedos au camembert, arrosés d'un vrai Bordeaux. Notre dernier steak remontait à Katmandou à la fin-novembre; on avait presque oublié comment c'etait bon.

Nous achevons notre périple d'un mois au Vietnam. Il est temps, car nous n'avons plus aucune patience pour les véhicules qui nous bousculent et nous klaxonnent sans tenter de nous éviter (c'est à nous de le faire), les commerçants qui tentent de nous rouler sur les prix ou la monnaie (et font mine de rien quand on leur signale), et les cyclos ou moto-taxis qui nous apostrophent constamment dans la rue (Hey you! Motobike? One hour, very cheap!), même pour nous amener à 50 m de là où on se trouve, espérant sans doute qu'on soit un peu perdus. Nous volons demain à Vientiane au Laos, le dernier pays tranquille de la planète paraît-il...

Anecdotes

  • Notre agacement a monté d'un cran le jour où Nancy et moi se sommes tous deux fait frapper la main par le guidon d'une moto filant à bonne vitesse. Les Vietnamiens au volant (ou au guidon) sont d'une incivisme absolu, conduissnt avec une totale négligence à l'endroit des piétons, nous reculant dessus sans regarder, et nous coupant sans vergogne. En sortant d'entre deux immeubles pour rejoindre le trafic, ils ne regardent jamais en arrière, confiants que les véhicules s'écarteront, ou que les piétons s'arrêteront à temps.
  • Nous nous demandions comment les Vietnamiennes qui roulent à moto en talons aiguilles faisaient pour marcher sur des trottoirs si inégaux. La réponse est simple: elle ne marchent pas, elles roulent! En fait, les seuls piétons qu'on croise sur les trottoirs et dans la rue sont des pauvres et des touristes!
  • Notre guide de la baie de Ha Long nous a expliqué que dans plusieurs langues ethniques du Vietnam, il n'existe pas de mot pour dire bonjour, le contact ou la conversation s'établissant en posant une question, ce qui explique pourquoi on se fait souvent aborder par Where are you from?, What is your name? ou How old are you?
  • Les Vietnamiens n'ont pas le sourire aussi spontané que les Thais ou les Khmers (Cambodgiens). Une majorité de commerçants n'a d'ailleurs aucune façon;, même lorsqu'ils nous revoient et nous reconnaissent.
  • Notre hôtel de Hanoï avait deux postes Internet en accès libre, ce qui était très pratique, les cyber-cafés étant moins nombreux ici qu'ailleurs. En outre, les étrangers ne sont pas toujours les bienvenus dans les salles de jeu vidéos. On ne comprend pas trop pourquoi, sachant qu'on doit sans doute payer un taux horaire supérieur à celui des enfants qui remplissent la place.
  • On sert du chien dans certains restos au Vietnam, mais nous n'avons pas eu l'occasion d'y goûter, d'autant qu'on n'aurait pas su le reconnaître au menu (il n'est pas certain qu'ils s'empressent de traduire ce met). En tous cas, on a croisé quelques fois sur les routes des motos portant des cages remplies de chiens empilés les uns sur les autres, et ceux-ci ne ressemblaient pas aux meilleurs amis de l'homme...
  • La télé présente souvent des films doublés par une seule voix, habituellement féminine, qui traduit tous les dialogues d'un ton monocorde. Ça passe encore pour les dialogues où l'on ne voit qu'un interlocuteur à la fois, mais c'est assez bizarre pour les voix off. On voit aussi des films sous-titrés en japonais, mais lorsque le texte est long, celui-ci est affiché sur plusieurs lignes dans un carré (transparent) au milieu de l'écran, ce qui peut complèment couvrir un visage en gros plan.
  • Ils ont beau vivre en pays socialiste, les Vietnamiens n'en demeurent pas moins de grands commerçants, et à l'aéroport d'Hanoï, les portes d'embarquement sont carrément situées entre les boutiques hors-taxes, si bien qu'elles passent presque inaperçues.
  • Mon "petit nom", que j'ai toujours trouvé bien petit, faire dire aux gens que j'ai plutôt un prénom vietnamien, comme les Bim, Bâ, Ê, Eung, ...
  • Plus frais que du sushi: deux dames se promenaient dans la rue en vendant des poissons soutenus par une broche accorchée dans la nageoire; ceux-ci gigotaient encore et tentaient de respirer par la bouche.
  • Annick a eu une mauvaise surprise en commandant du poisson grillé au resto: il n'était pas éviscéré, juste incisé; ça gâche le goût quand on arrive au milieu.
  • Au Vietnam, quand un resto, un hôtel ou une agence de voyages a bonne réputation et se retrouve cité dans le Lonely Planet, son nom est très souvent repris avec un suffixe numérique (ex. Little Hanoï 2). Lorsque l'original se lasse d'être imité, il change de nom, et les touristes s'y perdent.
  • "Same same, but different", c'est l'expression archi-utilisée ici, qu'on voit jusque sur les t-shirts, qui sert autant à affirmer qu'on trouve de tout au Vietnam, mais jamais tout à fait comme ailleurs, que pour expliquer que la crêpre reçue correspond presque au pain doré qu'on a commandé!
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