Le Japon au temps des sakura
Hiroshima
Quand on arrive à Hiroshima et qu'on découvre cette ville moderne (ici vue de notre chambre) à l'intense activité économique et industrielle, on ne croirait pas qu'il y a 62 ans, elle subissait le premier bombardement atomique de l'histoire de l'humanité (et le seul avec Nagasaki). Pourtant, une visite à l'incontournable et très intéressant musée de la bombe nous fait découvrir l'horreur du 6 août 1945 où, à 8:15 le bombardier Enola Gay largua Little Boy, une bombe atomique à l'uranium et dont la puissance correspondait à 13 kilotonnes de TNT. L'engin était l'aboutissement du projet Manhattan, mis en branle à la suite d'une lettre au président américain et signée par de nombreux scientifiques de renom, dont Einstein, qui avaient fui l'Allemagne nazie et qui craignaient qu'on y développe cette arme ultime. En effet, le principe de la fission nucléaire avait été expliqué en Allemagne en 1938, et depuis lors, on savait qu'une bombe tirant profit de cette formidable source d'énergie était théoriquement possible. Le projet américain consistait initialement à réaliser puis larguer cette bombe sur l'Allemagne. Mais en raison de la déroute allemande, il fut plutôt décidé ultérieurement de bombarder le Japon. À ce chapitre, le musée présente une grande quantité de correspondances de l'état-major américain. Les essais concluants n'eurent lieu qu'en juillet 1945 dans un désert du Nouveau-Mexique. Mais quelques mois plus tôt, on avait déjà identifié les villes cibles, qu'on avait alors soustraites des bombardements classiques de façon à les préserver et ainsi pouvoir y mesurer l'effet dévastateur de la bombe atomique le temps venu. En août 1945, le Japon était au bord de la capitulation, discutant des modalités de sa reddition suite à la Conférence de Potsdam, et les scientifiques, dont Einstein encore, jugeaient alors immoral de bombarder le Japon sans l'en menacer d'abord. Leur appel au président Roosevelt n'obtint cependant pas de résultat, les militaires souhaitant ardemment utiliser la bombe pour marquer l'avance américaine sur l'Union soviétique dans la course aux armements qui s'amorçait. En outre, le projet Manhattan avait coûté 2 milliards de dollars, qu'il fallait bien justifier auprès des contribuables. Disant vouloir venger l'attaque-surprise de la base navale de Pearl Harbor (Hawaï), la bombe fut larguée. Elle explosa à 580 m d'altitude, de façon à maximiser l'effet du souffle destructeur. La température à l'hypocentre (i.e. le lieu au sol situé sous le point d'explosion) atteignit 4000°C, provoquant un vent de 1500 km/h (mille cinq cent). En trois secondes, 7 km2 de la ville furent rasés ou s'embrasèrent sous la vague de chaleur. Dans un rayon d'un kilomètre, le taux de mortalité atteignait 100%; au-delà, on vivait la mort plus ou moins lente due aux brûlures et radiations. Un médecin avait d'ailleurs noté la progression du rayon de la zone mortelle au fil des jours suivants. À la fin de 1945, cette seule bombe avait fait 140 000 victimes, principalement civiles, un bilan auprès duquel celui du World Trade Center fait pâle figure. Mais à quoi d'autre peut-on s'attendre d'une bombe qui détruit tout dans un rayon de 3 km et fait des dommages jusqu'à 15 km? Même larguée sur un objectif militaire, elle tuera inévitablement de nombreux civils, surtout si ledit objectif se situe en zone urbaine comme c'était le cas à Hiroshima. Le musée nous fait découvrir l'état de désarroi des gens qui ne savaient plus où aller, tant tout était subitement détruit sur une si grande étendue. Des maquettes et des photos nous font voir ce secteur de la ville, avant le bombardement et quelques jours plus tard. On découvre des tuiles de toit fondues sous la chaleur de l'explosion, des bouteilles de verres fusionnées ensemble, et même l'escalier en pierre d'une banque, blanchi sous l'intensité du flash de lumière, mais qui a conservé l'ombre d'un homme qui y était assis. Situé presque à l'hypocentre, l'édifice d'une agence de promotion économique à partiellement résisté, justement en raison de la verticalité de ses murs avec le souffle de l'explosion. Les restes de la structure métallique de son dôme demeurent le symbole de ce triste jour. Mais trois jours plus tard, le 9 août à 11:02, la bombe Fat Man de 21 kilotonnes, au plutonium cette fois, répétait l'hécatombe à Nagasaki, tuant 75 000 personnes des 240 000 habitants et détruisant le tiers de la ville. Le Japon se rendait inconditionnellement 6 jours plus tard. Ces événements marquèrent le début de la course à l'arme nucléaire. Aujourd'hui, la Russie, la Chine, l'Angleterre et la France constituent le sinistre "club nucléaire" qui tente d'en limiter l'accès des autres nations, mais on sait que l'Inde, le Pakistan, et sans doute la Corée du Nord et Israël possèdent leur(s) bombe(s). La plus grosse bombe testée le fut en 1961 par l'ancienne Union soviétique; avec ses 50 mégatonnes, elle etait 3100 fois plus puissante que celle d'Hiroshima, et correspondait à 17 fois la puissance destructrice de toutes les bombes et munitions utilisées durant la Seconde guerre mondiale! La ville d'Hiroshima s'est faite la championne du désarmement nucléaire total, et à côté du musée brûle une flamme qu'on dit ne vouloir éteindre que lorsque la dernière arme atomique aura été éliminée de la planète. Mais comme les hommes ont la mémoire courte, le nouveau et très nationaliste premier ministre japonais songe maintenant à en doter son pays...
À Kyoto, notre amie Eriko nous avait emmenés manger des okonomiyaki, sortes de crêpes qu'on assemble et cuit soi-même à une table-grill à partir d'un mélange de chou râpé, viande au choix, oeuf cru et pâte à crêpe. Comme on avait bien aimé, elle nous a recommandé d'essayer la variante d'Hiroshima dans un resto bien précis situé au-dessus de la gare, et dont nous avions même la photo, sachant qu'il n'est pas toujours facile de reconnaître les idéogrammes indiquant l'établissement. Là la recette est plus délicate, et les cuisiniers les préparent eux-mêmes sur de grandes plaques chauffantes autour desquelles s'étire un comptoir. On peut choisir la version "sans", mais la spécialité locale est d'y incorporer un tas de nouilles soba au sarrasin, ou udon, plus grosses, au blé. Un délicieux coupe-faim au résultat assuré!
Naoshima
Outre le musée, nous avons visité à Hiroshima quelques jardins et temples avant de prendre le train puis un traversier pour atteindre l'île de Naoshima, que nous avait recommandée Antoine, fils d'un ami de mon père, et habitant Tokyo. Suite à une exposition d'art il y a plusieurs années, l'île a fait l'objet d'un développement muséal hors du commun, trois institutions majeures s'y étant établies, donnant à cet endroit sauvage une nouvelle vocation artistique et touristique. Le logement y étant rare, sinon très cher, nous avons opté pour l'expérience japonaise totale, réservant une chambre dans un ryokan, une auberge traditionnelle où l'on dort à ras de sol sur un tatami (natte en paille) surmonté d'un futon. L'ensemble est confortable, bien qu'on n'ait pas le rebond d'un lit. L'effet est cependant différent de celui qu'on obtient en dormant par terre à la maison, les meubles étant ici dimensionnés en conséquence. Pas de chaises, seulement une table basse, et bien sûr des murs en papier et des portes coulissantes qui ne verrouillent pas. Ce dernier détail nous a plutôt surpris dans un lieu où l'on accueille plusieurs personnes, et encore davantage lorsque la mère de notre logeuse a ouvert la porte au second matin pour nous appeler à déjeuner! Le plus contraignant pour nous dans un ryokan était de toujours devoir se déchausser. Il est hors de question d'y circuler avec ses chaussures de ville: dès l'entrée, une ligne de démarcation claire, souvent appuyée par une marche, indique l'endroit où l'on doit passer aux pantoufles. L'établissement en fournit, mais au Japon, elles m'arrivent toujours au milieu du talon ou sous la plante du pied, alors j'utilise mes sandales de douche. Cependant, lorsqu'on arrive aux toilettes, presque toujours communes dans ces auberges, il faut laisser ses propres sandales à la porte et enfiler les sandales publiques qui résident dans la toilette et qui sont clairement marquées à cette fin. Un ami nous avait d'ailleurs raconté que son père en visite au Japon avait ainsi causé un double émoi en oubliant de remettre ses sandales pour continuer ensuite dans la salle à manger de l'hôtel. Panique dans le resto, et attente aux toilettes, devenues inaccessibles sans les sandales idoines.
Nous avons loué des vélos face au terminal maritime, puis traversé l'île pour aller visiter Benesse House, le seul des trois musées d'art qui soit ouvert le lundi. Plusieurs peintures sont exposées à l'intérieur, mais les sculptures et installations extérieures en bordure de la mer sont encore plus intéressantes. Nous avons finalement traversé toute l'île avant de rendre les vélos. Mardi, nous avons de nouveau loué des vélos pour aller visiter le Chichu Art Museum, un impressionnant musée souterrain dont les seules structures extérieures sont des puits de lumière, l'idée étant de faire de l'architecture non monumentale s'insérant dans le paysage sans le transformer. Le site ne comporte qu'une douzaine d'oeuvres, dont quatre peintures de Monet et d'étranges installations jouant avec la lumière, mais l'endroit valait vraiment cette visite matinale avant d'aller prendre le traversier en fin d'après-midi pour Takamatsu, sur la grande île de Shikoku, la moins fréquentée de l'archipel japonais.
Shikoku
Profitant des dernières heures du jour, nous avons parcouru le parc Ritsurin, un des beaux jardins du Japon, datant du milieu du 17e siècle. Nous sommes arrivés à la cascade à 16:58, pour constater qu'on l'arrêtait à 17:00! Le lendemain, un trajet de deux heures en train nous emmenait à Matsuyama, où nous allions visiter le château. Après avoir repéré le petit resto conseillé par Antoine, et laborieusement réservé une place, nous sommes allés au Dogo onsen, le bain public. Nous avons choisi le bain de base, où pour 400 yens (4$) nous pouvions passer tout le temps qu'on arrivait à supporter dans une piscine d'eau thermale presque assez chaude pour faire cuire un oeuf. On s'y baigne nu, mais l'endroit n'est pas mixte comme en Allemagne. Une fois bien ramollis, nous sommes retournés à l'Okaerinasai ("bon retour"), où le chef prépare des izakaya, spécialités japonaises variant selon l'inspiration du moment. Venant sur la recommandation d'Antoine, et voyant que le chef, pourtant dans la jeune trentaine, ne parlait pas un mot d'anglais, nous lui avons simplement dit que nous lui faisions confiance pour le choix des plats, ce qui nous a valu un sourire de bonheur. Se sont succédés du sashimi (poisson cru), une salade originale, de la peau de poulet farcie et grillée, du foie cru (trop froid et trop salé à mon goût) et une surprenante omelette aux épinards, le tout arrosé de bière et d'un excellent sake très fruité. La soirée fut très amusante, les quatre autres convives au comptoir essayant de communiquer avec les gaijin (étrangers) avec un vocabulaire anglais de quelques mots. À un moment donné, ne sachant pas nommer le poisson qu'on mangeait, la voisine a appelé un ami biologiste pour nous trouver le nom anglais. Le chef, lui, a passé la soirée à tenter de se rappeler de cet Antoine qui était venu quelques mois plus tôt et nous avait donné l'adresse. On a franchement rigolé ce soir-là.
Nagasaki
Le lendemain nous faisions le long voyage en train vers Nagasaki. Prendre le train au Japon est un charme: les trains sont parfaitement ponctuels, confortables, silencieux et rapides! En outre, ils vont partout, jusque dans la moindre campagne, et avec une fréquence surprenante. À certains moments, l'afficheur nous indiquait que nous roulions à plus de 250 km/h! On était loin des 15-20 km/h de moyenne de l'Asie du sud-est. En raison de la fréquence élevée des trains, les correspondances sont souvent très courtes, parfois de 4', et pour manger, le plus simple est de s'acheter un bento, ces boîtes-repas froides offertes dans une grande variété de plats. À 17:00, nous débarquions à Nagasaki, où là encore, rien ne laisse penser à un bombardement nucléaire 62 ans plus tôt. Comme bien souvent, nous avons mis une demi-heure pour localiser l'hôtel à "20' de la gare", pour ensuite en prendre moins de 15 pour retourner à la gare. Toutes les villes n'affichent pas également les noms de rues, même en japonais, et il est souvent plus facile de se repérer à partir des commerces, d'autant que les adresses sont rarement séquentielles. Notre chambre du 12e étage offrait une magnifique vue sur le port. Le 23 mars, jour de mon anniversaire, nous avons visité le musée de la bombe atomique, moins intéressant que celui d'Hiroshima, mais néanmoins informatif sur les différents accidents nucléaires survenus depuis, et surtout sur toutes les crises politiques et militaires (guerre de Corée, crise des missiles de Cuba, guerre du Golfe, etc.) où l'on a envisagé de nucléariser le conflit, heureusement sans passer aux actes. Après une tournée des sculptures du parc sur la colline, nous avons dîné dans un kaiten sushi (sushi à la chaîne) puis parcouru les quais branchés de Dejima, avant de célébrer de façon exceptionnelle en achetant une pizza à emporter pour manger à la chambre avec une bouteille de vin rouge australien. Comme quoi le bonheur tient à peu de choses, surtout vu la minceur de la garniture! (On a croisé quelques pizzas en Asie, mais on s'en tient d'ordinaire à la nourriture locale).
Samedi, la météo rompait avec trois semaines de beau temps pour nous infliger une journée complète de pluie forte et de vent. Faisant relâche du tourisme, Annick a poursuivi ses lectures tandis que j'ai avancé mon logiciel et quelques affaires connexes. Dimanche, le beau temps revenait, et nous allions arpenter l'ancien quartier des étrangers, la côte des Hollandais et Glover Garden, qui rappellent qu'à l'époque où le Japon était un pays fermé, Nagasaki fut pendant deux siècles le seul port ouvert aux étrangers. Les Européens, d'abord venus commercer, furent finalement expulsés au 17e siècle pour cause de prosélytisme. Les missionnaires reviennent maintenant, ceux croisés à Hiroshima et Nagasaki nous demandant de contribuer à la "propagation de l'évangile et de la foi envers le seul vrai Dieu", ce à quoi j'ai répondu que les Japonais avaient déjà une religion et qu'on devrait plutôt les laisser tranquilles. Il est assez ironique que ce soit là où on leur a balancé deux bombes nucléaires sur la tête, que la même nation vienne maintenant faire avancer son dieu et sa vérité. On n'a rien inventé en Irak! Après un coucher de soleil au quai Dejima, nous avons fait une razzia dans un magasin à 100 yens (un dollar), où les articles souvent surprenants sont d'une étonnante qualité, et présentés dans un environnement agréable.
Lundi nous avons pris le train pour Nagoya, une ville dominée par l'usine Toyota. Malgré son caractère industriel, la ville recèle d'innombrables friperies et magasins branchés. Le mardi matin, nous nous rendions chez Toyota, ayant réservé notre visite deux semaines plus tôt. Après une promenade libre dans le musée et un exercice de conduite virtuelle dans une voiture montée sur des vérins simulant les mouvements sur la route, une guide nous a promenés deux heures durant sur les passerelles surplombant les chaînes de montage. Le plus spectaculaire était l'atelier de soudure, où une douzaine de robots se retournent dans tous les sens pour réaliser les quelques 4000 points de soudure du châssis et de la carosserie. On a pu apprécier la souplesse de la "méthode Toyota", où la même chaîne de montage peut servir à assembler divers modèles de voitures ou camionnettes se suivant l'un après l'autre. La chaîne ne comporte aucun rail, les véhicules en cours d'assemblage (une opération de 20 heures) étant tractés par des chariots filo-guidés. Pendant ce temps, on a fermé la GM de Sainte-Thérèse parce qu'il en aurait coûté trop cher de convertir à un autre modèle ses chaînes d'assemblage de Camaro. La visite était inspirante du côté de la qualité et de la gestion participative des processus. Le tout s'est terminée sur un concert de trompette joué par un robot. Nous avons ensuite pris un train en après-midi pour arriver à Tokyo à 19:00.
Mercredi, nous commencions la journée par une promenade dans le parc Ueno pour admirer les sakura (cerisiers en fleurs). L'événement ne dure que quelques jours, mais suscite un véritable engouement au Japon, un pays où toute mode se traduit par une affluence monstre. Un matin de semaine, on y circulait comme sur un quai de métro de Montréal à l'heure de pointe; on n'ose imaginer ce que ce sera dimanche! Le spectacle était néanmoins très joli. Malheureusement, les allées du parc sont couvertes de bâches bleues que les entreprises réservent à l'avance pour organiser des pique-niques le midi. Des employés juniors sont d'ailleurs envoyés dès le matin pour garder la place. Nous avions ensuite rendez-vous avec Antoine, qui habite Tokyo. Antoine nous a promenés dans Ueno, Asakusa, Akihabara (le quartier de l'électronique) et Shibuya, ce gigantesque carrefour emblématique de Tokyo, où chaque tour a son écran géant. Curieux de nature, Antoine a su répondre à nombre de questions restées jusque-là sans réponse, telles les pieds des Japonaises tournés vers l'intérieur, qui selon lui seraient dus à la déformation des chevilles à force de s'asseoir sur les talons. N'étant pas japonais, mais le parlant couramment, Antoine se surprend des mêmes choses que nous, qui passent souvent inaperçues aux yeux des habitants. Nous promener avec lui fut un réel plaisir, d'autant que nous pouvions délaisser la carte, et simplement nous en mettre plein la vue. Nous sommes rentrés crevés, tard après souper. Jeudi, nous avons visité seuls pendant quatre heures dans le magnifique musée national, où l'on peut apercevoir des objets anciens d'une qualité que nous n'avions jamais vue ailleurs en Asie. Nous avons ensuite exploré le magasin de jouets préféré d'Antoine, un commerce de six étages, chacun offrant des figurines, produits dérivés, déguisements et accessoires relatifs à des personnages de bandes dessinées, de séries télévisées ou de films (Star Trek, Hello Kitty, Pokemon, Spiderman, Goldorak, etc.) Au rez-de-chaussée, on trouvait des murs entiers de breloques comme les gens en portent sur leur téléphone portable. Puis nous sommes allés magasiner à Ginza avant de refaire le plein de sushis. Vendredi, la météo nous a servi un déluge pendant que nous explorions les allées, heureusement couvertes, du marché de gros. On y voit du poisson en quantité et en variété comme nulle part ailleurs. Et la marchandise y est si fraîche, que ça ne sent... pas le poisson! Nous avons ensuite rejoint Antoine chez lui, pour marcher dans son quartier, voir les cerisiers en fleurs au parc Mitsuike Koen ("aux trois étangs") de Yokohama, plus tranquille que celui d'Ueno, et faire un tour dans les rues commerçantes de Kawasaki. Nous avons terminé la soirée en faisant notre bagage pour prendre l'avion vers Montréal ce matin. Si nous avons si peu écrit sur le Japon, ce n'est pas par manque d'intérêt, mais bien au contraire, parce qu'il y avait tant à faire que nous rentrions tard et crevés, et ne passions à l'hôtel que le temps d'une courte nuit avant de repartir. Les aventures se poursuivent au Mexique et en Espagne, mais ce blogue s'achève ici.
Notes culturelles
- Les Japonais sont si polis, ils saluent et s'excusent tout le temps. Leur façon de dire au revoir consiste en fait à s'excuser de s'en aller. Dans les gares, on voit des hommes d'affaires se saluer courbés à 90°. Dans le train, même le contrôleur et la vendeuse de friandises se retournent et saluent quand ils quittent le wagon. Même les guichets automatiques ont l'air sincèrement désolés quand ils ne peuvent accepter ma carte de retrait.
- On croit beaucoup à la chance ici, et on aperçoit souvent de petits bols de sel déposés de part et d'autre de la porte des commerces pour chasser les mauvais esprits. Dans les temples, les gens font une offrande pour ensuite piger un petit papier qui leur prédit la bonne aventure. Si la prédiction n'est pas favorable, ils laissent la feuille au temple dans un endroit désigné pour abandonner cette malchance derrière eux.
- Le Japon est un immense marché de consommateurs. Un lundi soir au grand magasin Tokyu de n'importe quelle ville, il y autant de monde qu'au Centre Eaton le 23 décembre! Les gens travaillent beaucoup, gagnent beaucoup d'argent, mais manquent de temps libre ou de vacances pour le dépenser, alors ils consomment. Ce serait l'endroit où l'on retrouve la plus grande concentration de sacs Vuitton au monde. Les grandes marques y sont très prisées, et les gens dépensent visiblement beaucoup sur leur apparence.
- Presque tout le monde, enfants compris, a son téléphone portable, toujours avec appareil-photo intégré. C'est d'ailleurs la source principale de divertissement dans les transports (musique, vidéo ou jeux).
- En japonais, les mots ne se terminent jamais par une consonne autre que 'n', et deux consonnes sont toujours séparées par une voyelle. Alors les mots anglais sont "japonisés", un "spa" devenant "sapa", "wood" devenant "oudi", tandis que "left" et "right" se prononcent souvent "leftu" et "rightu"...
- Le vélo est partout et sert à tout le monde en tout temps. Pas seulement pour faire du sport: on voit plein de gens habillés pour sortir qui se déplacent au centre-ville à vélo. Mais en l'absence de piste cyclable, la plupart roulent sur les trottoirs.
Épilogue
L'Asie, qui nous était inconnue, nous a plu davantage que nous l'espérions. Nous y reviendrons sûrement, notamment au Japon; je devrais d'ailleurs commencer des cours de langue en septembre prochain. Au-delà des différences économiques et culturelles, les aspirations des gens rencontrés en Asie ne sont pas différentes de celles des autres Terriens: vivre en paix et connaître le bonheur. La plupart savent d'ailleurs être plus heureux que nous avec bien moins. Ce voyage nous aura assurément rendus plus zen, laissant maintenant aller plus facilement, ayant appris à lâcher prise quand les conséquences ne sont pas tragiques. Espérons que ça durera.
En 6,5 mois de voyage, nous ne nous sommes jamais fait voler, ni vraiment rouler, et n'avons oublié qu'un drap de couchage dans un hôtel en Inde. Nous n'avons connu que quelques incidents aux conséquences mineures (pour nous): un coup d'état puis un tremblement de terre en Thaïlande, un plafond de grotte heurté au Laos, quelques heures à nous demander si nous serions contraints de dormir sur la plage à Ngapali (Myanmar), et quelques frayeurs d'entreposage des sacs de souvenirs à Bangkok et Tokyo. Voilà qui rassurera les plus inquiets qui se demandent comment on survit à pareil périple.
À l'aéroport de Tokyo, nous allions acheter deux bouteilles de sake, mais le commis nous a prévenus qu'à notre escale à Chicago, pour raisons d'insécurité, il ne nous serait pas permis de les reprendre en bagage à main. Il semble que l'idylle Harper-Bush se poursuive: à Chicago on nous a envoyés dans la file US citizens and residents et le douanier nous a souhaité Welcome home!